Kritik27. September 2022 Cineman Redaktion
Netflix : «Athena» : Une coquille vide
Très en vogue ces dernières années, les films français sur les tensions entre banlieues et force de l’ordre ont une nouvelle référence. Romain Gavras signe — avec la complicité de Ladj Ly («Les misérablesa» 2019) — une superproduction tragique. L’intensité est permanente et l’ensemble transpire la haine et la vengeance.
(Une critique de Fanny Agostino)
C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. En boucle, BFMTV relaie une vidéo amateur, enregistrée dans la cité d’Athena. On y aperçoit un garçon de 13 ans se faire molester par des hommes en uniforme, avant d’être laissé pour mort. Abdel (Dali Benssalah), frère de la victime et militaire, est le dernier rempart face à la colère de la banlieue. Devant le commissariat, il lance un appel au calme par le biais d’une conférence de presse. Derrière l’amas de journalistes, son second frère Karim (Sami Slimane) sert les dents, le regard opaque. Il allume un cocktail Molotov qu’il balance sur la devanture de la gendarmerie. Désormais, plus rien ne semble pouvoir retenir la violence.
Banlieue fictive, le décor de la cité d’Athena est celui bien réel du quartier du Parc aux lièvres en région parisienne. Un lieu progressivement vidé de ses habitants en prévision de sa destruction prévue pour 2023. Romain Gavras transforme la structure vieillissante en véritable château fort. Et pour cause, l’infinie dalle de béton de la zone est entourée de tours d’immeubles. Comme le tout est construit en hauteur, les accès se font par des escaliers et des souterrains. Une citadelle labyrinthique que le réalisateur arpente de long en large. Le budget est conséquent : à renfort de feux d’artifice, de fumée et de rodéo routier, la mise en scène en met plein les yeux.
D’une durée de dix minutes, le plan séquence d’ouverture relève de la chorégraphie millimétrée. Filmé de dos, la caméra suit Karim de l’assaut du poste de police jusqu’aux blocs du quartier barricadé. Retranchés, les jeunes en training guettent, assiégés, l’arrivée des forces de l’ordre. Au bout de cette séquence démonstrative, on s’attend à être immergé dans cet immense brasier, rongé par la rancœur. Mais les plans séquence se succèdent et filment en continu les batailles entre les CRS et les jeunes. L’insurrection et la violence deviennent alors le sujet du film. Au risque d’en être gavé.
Le contraste est saisissant avec la Madeleine de Proust du genre. Dans «La Haine», Vincent Cassel incarnait un jeune de cité. Son quotidien avec sa bande, ses espoirs et ses déceptions. Dans «Athena», toute forme de psychologie est déniée. Reste une esthétisation de la barbarie et des violences dont l’intensité est maintenue pendant tout le film. La bande originale, composée entièrement pour l’occasion, renforce cet univers guerrier et bestial.
Elle n’est d’ailleurs pas sans remémorer l’ambiance de «300» de Zack Snyder, où des guerriers spartiates affrontaient les envahisseurs. La scène où le meneur Karim s’apprête à embraser des policiers pris au piège est parlante de brutalité. Veste ouverte sur un torse nu, les épaules couvertes par ses cheveux détachés, il s’avance au pas d’un chant militaire qui n'est pas sans rappeler l’ère soviétique.
Garvas ne crée aucun appel d’air. La haine des jeunes est un prétexte pour s’adonner à un déferlement cosmétique creux, quitte à rendre absurde le sujet même du film. Quant au contrepoint de Abdel, le frère aîné, il s’éteint progressivement pour se noyer dans une colère unanime et vulgarisée. Au terme du visionnage, les promesses d’Athena ne sont pas atteintes. Un emballage séduisant, pour une coquille vide. Et une image des cités françaises qui contribuera sans nul doute à alimenter péjorativement les débats politiques.
2,5/5 ★
Présenté à la 79e Mostra de Venise, le film est maintenant à découvrir sur Netflix.
Bande-annonce
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