Kritik17. März 2021 Sven Papaux
Netflix: «Varsity Blues» - Rick Singer ou la grande braderie du prestige
Rick Singer, le grand méchant loup des admissions universitaires, est décrypté dans ce très bon film signé par Chris Smith et Jon Karmen, deux réalisateurs derrière un autre documentaire explosif: «Fyre: le meilleur festival qui n’a jamais eu lieu».
«Varsitiy Blues» pose un regard dubitatif sur un scandale qui a «aidé» de richissimes familles à faire entrer leurs rejetons dans l’élite des universités américaines. Une corruption à grande échelle, même des célébrités trempaient dans la mare, Lori Loughlin et Felicity Huffman pour les plus célèbres, mais également de riches héritières, des magnats de l’immobilier, des financiers et des avocats. Tout le monde faisait appel au grand manitou des admissions, Rick Singer, la frange sévère digne d’un frère franciscain et la dégaine d'un coach sportif.
Rick Singer, un nom qui nous ferait presque penser à une star de la musique des années 80 et non à un faussaire. Derrière ce patronyme se cache la clé de voûte d’un scandale d’admissions universitaires. Intitulé «Varsity Blues: le scandale des admissions universitaires», ce documentaire prouve que l’argent ouvre encore et toujours des brèches prestigieuses. Le talent et le mérite sont relayés au second plan. Les petits agissements de Singer sont simples: tricher à tous les étages pour constituer un dossier en béton au fils ou à la fille de son client. Tricher et comment? Très simple: avec un joli chèque, votre enfant deviendra un as du tennis ou de la voile, une autre personne passera un test d’admission à sa place et pour couronner le tout, pourquoi ne pas faire un petit don à l’université pour bien s’assurer que la «porte dérobée» soit grande ouverte.
La valse de la tromperie...
La valse de la tromperie peut alors démarrer, mais à force de tirer sur la corde, elle finit par céder. La justice détale et reprend le dessus. Une opération tentaculaire dirigée par le FBI qui décortique les agissements de Rick Singer, de mèche avec une brochette d’entraineurs des plus grandes universités (Stanford, Yale, Georgetown) et même un directeur de la préparation aux tests chez IMG, perçu comme le cerveau de Singer. Un dispositif bien ficelé qui a fait ses preuves pendant plus de 20 ans et qui nous rappelle (dans les grandes lignes) le film «Bad Education» de Cory Finley. À cette différence près, dans «Varsity Blues», Chris Smith et Jon Karmen décrivent les moyens mis en place par Singer pour convaincre les familles de payer et ainsi ouvrir les fameuses «portes dérobées». Les nombreux échanges téléphoniques et les différentes reconstitutions, où vous reconnaîtrez le visage de Matthew Modine («Full Metal Jacket») sous les traits de Rick Singer, dégoisant mot pour mot les propos du véritable Singer, vont décrire la facilité avec laquelle le conseiller universitaire indépendant va attirer dans ses filets des parents aveuglés par le prestige.
Mais le plus grave dans tout ça, c’est peut-être cette fascination pour ces riches parents de voir leurs enfants accéder à ces grandes institutions, coûte que coûte, tel un symbole de pouvoir. Les mômes sont les victimes des parents soucieux de leur propre image. Et le film expose admirablement l’obsession de vouloir accéder à la caste hermétique des grandes universités américaines. L’élite pour destination, pour unique ligne académique sur un CV, alors que leur progéniture pique la place d'un étudiant plus méritant. Cette vente du prestige en devient ridicule et pourrit un système gangréné par l’argent. La haute société préfère faire chauffer la carte de crédit pour accéder à ces établissements, faussant les cartes et cette tradition du «hard working», qui plait tant à l’Amérique. Une arnaque à tous les étages, mais surtout morale.
4/5 ★
«Varsity Blues» est à découvrir sur Netflix.
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