Kritik6. September 2018 Alexandre Janowiak
Mostra de Venise 2018 : «Roma» - La leçon de cinéma d'Alfonso Cuarón
Très attendu sur la Croisette en Mai dernier, le film d'Alfonso Cuarón avait finalement été écarté du festival à cause du conflit entre Netflix et l'organisation cannoise. En cette fin d'été, Roma faisait sa grande première à la Mostra de Venise et le film remporte le Lion d’or 2018. Un retour sur les terres italiennes pour le Mexicain, cinq ans après y avoir présenté son aventure spatiale multi-oscarisée : Gravity.
Roma s'ouvre avec un long plan zénithal fixé sur un sol carrelé. A priori rien de bien passionnant, puis soudain une eau savonneuse glisse sur ce carrelage et dévoile le reflet du ciel puis le passage d'un avion. Le moyen de lancer d'une manière élégante le générique d'ouverture du long-métrage sans se presser et dans un calme apaisant, où seul le bruit des mini-vagues berce l'image et le spectateur avant qu'un joli mouvement de caméra révèle finalement la présence de Cleo, une jeune domestique travaillant pour une famille du quartier bourgeois de Roma à Mexico.
Des plans d'un tel raffinement dans leur conception et d'une telle valeur dans leur propos ... Alfonso Cuarón en délivrera tout au long des 2h10 de son film. Roma se compose uniquement de plans fixes, de travellings avant ou arrière, horizontaux ou verticaux et surtout de sublimes panoramas. Autant de tableaux construits dans un noir et blanc magnifique et somptueusement éclairés (Cuarón s'occupe lui-même de la photographie de son film). Mais plus qu'un assemblage de tableaux tous plus magnifiques les uns que les autres, Roma est surtout une œuvre immensément personnelle.
Comme il l'a expliqué en interview à Indiewire : "90% des scènes représentées dans le film sont des scènes tirées de ma mémoire". Une intimité qui se ressent immédiatement à travers la mise en scène de Cuarón. Des décors aux mouvements des personnages en passant par les situations personnelles, sociales et politiques du film, tous les plans fourmillent de détails captivants, certes souvent très anodins mais que le réalisateur et scénariste met volontairement en avant. Tout est évoqué si naturellement que le Mexicain n'a jamais besoin de forcer le trait. Ainsi, Roma ne contient aucune bande-originale, préférant se reposer sur les sons des ruelles, des bois ou de la radio, et laisse la limpidité des cadres transmettre l’infinie richesse de son oeuvre.
Une beauté à couper le souffle ...
Loin d'être guidé par une intrigue ordinaire, Roma est un portrait de vie. Le portrait de deux femmes malmenées (le film est ouvertement féministe et anti-patriarcat) et surtout celui d'une époque. Celle où a grandi le cinéaste, qui a forgé sa manière de penser et aussi ses influences cinématographiques. Lors d'une projection au cinéma, le cinéaste nous embarque au cœur des Naufragés de l'espace, impossible de ne pas y voir le point de départ de Gravity ou impossible aussi, lors d'une séquence d'accouchement déchirante, de ne pas se remémorer le dystopique Fils de l'homme, qu'Alfonso Cuarón réalisera 40 ans plus tard.
Deux projets concrétisés grâce à tout ce qu'il a vécu durant son enfance. Au visionnage, le retour du cinéaste à un projet plus terre-à-terre dans son pays natal, le Mexique, et au cœur de Roma, ce quartier de Mexico que le cinéaste décortique dans son nouveau long-métrage, paraît donc finalement évident. L'occasion pour lui de rendre un hommage d'une ampleur visuelle folle (65mm oblige) et d'une beauté à couper le souffle à sa vie passée si importante dans son présent.
En Bref
Roma est un portrait de vie, de femmes et d'époque d'une folle simplicité et d'un naturel à couper le souffle dont chaque séquence est sublimée par les tableaux composés par Alfonso Cuarón. Une confirmation, s'il le fallait encore, que le cinéaste est un des plus grands réalisateurs actuels.
Note de la rédaction -> 5/5 ★
Roma est attendu sur Netflix en Décembre prochain
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