Dernier long-métrage produit par Netflix et réalisé par Joseph Kosinski, «Spiderhead» a tout autant de mal à nous surprendre qu’il en a à faire correspondre sa forme avec son fond.
(Une critique de Colin Schwab)
Jeff (Miles Teller) est détenu dans un établissement carcéral accueillant des prisonnier·es l’ayant rejoint volontairement. Pourvu de meilleures conditions de vie que les prisons habituelles, y loger signifie cependant être sujet aux expérimentations du scientifique Steve Abnesti (Chris Hemsworth), qui cherche à perfectionner l’efficacité de nouvelles hormones en développement. Très efficaces sur le corps humain, provoquant l’hilarité, le sentiment amoureux, ou encore l’angoisse, l’usage de ces médicaments finira par causer certains problèmes au sein de l’institut.
Un joli plan au milieu du film : le sang d’une prisonnière coule sur une vitre, dessine des formes rappelant des barreaux, derrière lesquels d’autres individus viendront s’enfermer ; quelques morceaux de la fin des années 70 bien sentis (The Doobie Brothers, Supertramp) ; un montage digeste, se permettant parfois une certaine lenteur. L’on ne se mettra pas grand-chose d’autre sous la dent devant «Spiderhead».
«Spiderhead» n’a rien de la spontanéité à laquelle il voue une ode.
Car, comme la grande majorité des films et séries Netflix, le long-métrage met l’accent sur le scénario. Un problème survient alors : le récit, redite d’une redite d’une redite, n’a rien d’intéressant. Puisant sa structure et son fond dans tout ce qu’il y a de plus archétypal et cliché au cinéma, la narration tente, encore et encore, de nous surprendre, mais jamais rien ne prend.
«Spiderhead» est de ces films qui nous crient au visage : «Vous ne vous attendiez pas à cet ingénieux revirement de situation, n’est-ce pas ?», quand bien même il nous y avait préparé de multiple fois avant, nous susurrant doucement à l’oreille «Attention, il y aura bientôt un rebondissement.»
Au sein de cette structure programmatique, c’est un propos sur l’importance du spontané et de l’irrationnel que tient le film. Car, in fine, si Steve Abnesti développe ses nouveaux produits permettant de provoquer et de contrôler les sentiments, c’est pour empêcher l’être humain de commettre l’irréparable, poussé par l’irrationalité de ses pulsions et rendre ainsi les établissements carcéraux obsolètes.
La narration tente, encore et encore, de nous surprendre, mais jamais rien ne prend.
Le film présente ainsi cette manière de penser comme profondément absurde, car il n’y aurait rien de plus aliénant, enfermant, que d’être privé de la possibilité de ressentir par soi-même. Il vaudra toujours mieux être en prison que d’être étranger à ses propres sentiments.
Cette morale, bien loin d’être implicite - Jeff et Lizzy (son «love interest» interprété par Jurnee Smollett) la passent au stylo surligneur fluo lors d’un dialogue didactique – reste théoriquement touchante.
Mais peut-être aurait-il fallu, pour que cette dernière nous émeuve réellement, qu’elle se concrétise un tant soit peu par la forme. Car «Spiderhead» n’a rien de la spontanéité à laquelle il voue une ode. Tout y transpire la rationalisation, la programmation, l’objet usiné au millimètre près, le récit normé et pensé pour ne jamais perdre le spectatorat, les plans toujours trop stables, trop bien éclairés, d’où absolument rien ne dépasse. Or, le spontané n’est-il pas, justement, dans les sorties de cadre ?
2/5 ★
Depuis le 17 juin sur Netflix
Bande-annonce
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