Premier long-métrage du cinéaste britannique Aleem Khan, « After Love » nous emmène à l’orée du thriller pour nous conter l’histoire d’une double vie par-delà les eaux britanniques. Un film étonnant.
Convertie à l’islam pour son mari Ahmed, Mary Hussain (Joanna Scanlan) mène une vie recluse dans la ville portuaire de Douvres, dans le sud-est de l'Angleterre. Face à la mer du Nord, elle vit au rythme des prières et des va-et-vient de son époux, un marin qui fait régulièrement la navette vers les terres francophones. Mais à sa mort, elle découvre sa vie secrète et une famille à Calais. Quelques lieues seulement la séparent de la vérité, alors elle entreprend un voyage pour comprendre et la rencontrer.
Lauréat d’un BAFA pour son court-métrage « Three Brothers », Aleem Khan signe ici un joli premier film. Sélectionné par la Semaine de la Critique à Cannes en 2020, « After Love » raconte les errances de Mary, subtilement portée à l’écran par l’actrice Joanna Scanlan, ou du moins sa quête de vérité, pour comprendre la vie secrète de son mari. Très tôt convertie à l’islam pour épouser son mari d’origine pakistanaise, elle porte le voile et parle l'ourdou. Avec une minutieuse attention, Aleem Khan donne à voir la dévotion de cette femme. La caméra se faisant le témoin intime et privilégié de cette vie pieuse. Et dans une ouverture étourdissante de silence, il faudra écouter la bouilloire, certifiant l’heure du décès. Mary était en cuisine, Ahmed est mort, juste comme ça.
Deux femmes s’observent et se jalousent...
Un monde s’écroule toujours à l’aube d’une nouvelle ère. Quelques textos romantiques et une carte d’identité oubliée ; dans « After Love », la nature est à l’unisson des vertiges de Mary. Alors qu’elle découvre la double et trouble vie de son conjoint, une côte de calcaire s’effondre. Par à-coups, « After Love » emprunte au surréalisme, à l’onirisme aussi. La voilà partie pour Calais à la rencontre de cette Geneviève incarnée par Nathalie Richard et découvre cette famille abasourdie par l’absence du père et le poids de l’amant lointain. Le secret était abyssal, il faudra l’encaisser. Mary opère sous couverture et Aleem Khan nous parle de classes, et des rapports complexes entre l’islam et l’occident. Un jeu de dupes s’installe, un panier de crabes étouffant, dangereux. Les deux femmes s’observent et se jalousent, l’une et l’autre se renvoyant mutuellement à leur propre existence. Et Solomon (le touchant Talid Ariss) au milieu du cirque, jeune adolescent sans repère qui tente de se construire.
Suivant les étapes du deuil, la réalisation manquera peut-être de véritablement convaincre dans ses éclats de colère. Pourtant, le film brille ailleurs, marchant dans les pas du célèbre film « Le Talentueux Mr Ripley » de son confrère britannique Anthony Minghella. « After Love » emprunte au thriller psychologique et s’interprète comme une fable onirique sur le deuil, l’abnégation des êtres et les carcans dans lesquels ils se cloitrent, qu’ils soient religieux, maritaux ou bien amoureux. Ici, Aleem Khan pose les pierres d’un cinéma exigeant et d’une mise en scène ambitieuse. « After Love » surprend ; une poésie douce pour déceler l’insondable et Joanna Scanlan de s’y dévoiler corps et âme.
3,5/5 ★
Le 29 septembre au cinéma. Plus d'informations sur « After Love ».
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