Review27. Dezember 2023 Emma Raposo
Critique d’«Icon of French Cinema» sur Arte, série cathartique et pleine d’autodérision
Dans cette nouvelle mini-série à découvrir sur Arte, Judith Godrèche s’essaie à l’exercice de l’auto-thérapie en incarnant son propre rôle, une star déchue de retour au pays essayant de renouer avec le succès. Zoom sur «Icon of French Cinema».
L’icône du cinéma français, c'est elle, Judith Godrèche. Elle qui s’est exilée aux États-Unis voilà 10 ans, revient au pays pleine d’espoir. Un rôle principal dans un film est la raison de ce retour en France. Alors, lorsque le rôle en question lui passe sous le nez au profit d’une actrice plus connue du nom de Juliette Binoche, Judith remet tout en question. Au mieux, on la croyait dentiste, au pire décédée depuis tout ce temps. Mais la comédienne n’a pas l’intention de se laisser abattre. Entourée de sa fille, danseuse et amoureuse d’un chorégraphe de deux fois son âge, Judith replonge dans ses souvenirs de jeunesse, son amour de vacances, ses débuts dans le cinéma. Les douleurs du passé resurgissent et résonnent dans ce quotidien où elle ne parvient plus à savoir qui elle est et où est sa place.
Judith Godrèche n’a pas dû aller chercher l’inspiration bien loin puisque c’est sa propre histoire qu’elle revisite dans «Icon of French Cinema». La série qu’elle a écrite et réalisée joue à l’équilibriste entre autobiographie et fiction, un projet cathartique comme un deuxième souffle pour l’actrice française qui avait disparu des écrans depuis une décennie. On y suit le double fictif de Godrèche revivant à travers l’histoire sa fille, Zoé (Tess Barthélemy), son propre passé : son premier amour, la toxicité du milieu du cinéma, ainsi qu’une relation avec homme bien plus âgé. Car si Judith Godrèche s’évertue à ne pas citer de nom, il est bien question de sa relation passée avec le réalisateur Benoît Jacquot, avec qui elle était en couple alors qu’elle n’avait que 14 ans et lui 40.
Durant les 6 épisodes truffés de flashbacks, Judith Godrèche se livre à travers son personnage sans juger ou condamner. À l’ère post #MeToo, la série prend la forme d’un travail d’exorcisation, une tentative de raconter ce qui n’avait jamais été avoué, et de comprendre pour avancer. Comprendre aussi ses parents qui n’ont pas su imposer des limites. Judith Godrèche demande tour à tour à son père, puis à sa mère: «Pourquoi m’as tu laissée partir avec un homme de 40 ans?». Et pourquoi, à l’époque, personne n’a sourcillé face à cette relation, comme si tout était parfaitement normal? L’actrice libère ses vieux démons face caméra, les affiche aux yeux du monde pour faire table rase du passé.
On laissera à Judith Godrèche son talent pour l’autodérision où elle se joue d’elle-même et de l’hypocrisie du monde du 7ᵉ art. Même pas peur d’enfiler un costume de hamster pour chanter «99 Luftballons». À la fois attachante et agaçante, Judith Godrèche reste fidèle à elle-même avec ses airs innocents et maniérés qu’on lui connaît si bien. La comédienne fait du Judith Godrèche pour et par Judith Godrèche, invitant même sa fille à interpréter son propre rôle. Les fans apprécieront, les autres se lasseront peut-être.
3/5 ★
«Icon of French Cinema» est à découvrir à partir du 21 décembre sur arte.tv, et dès le 28 décembre sur Arte.
Bande-annonce d’«Icon of French Cinema»
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