Tétanisée par des crises de panique, Louise se retrouve du jour au lendemain coincée dans sa voiture, dont elle est incapable de sortir. Une rencontre fortuite avec Paul, jeune homme paumé aux airs de malfrat, va littéralement changer le cours de son existence.
(Critique de Laurine Chiarini)
Synonyme de fuite ou clé de la liberté, cauchemar des claustrophobes ou cocon douillet, témoin privilégié de confidences intimes, la voiture de Louise (Marina Foïs), break Volvo jaune moutarde hérité de son père, n’est rien de tout cela. Un objet utilitaire lui permettant de se déplacer dans son quotidien déprimé d’infirmière et de mère divorcée au bord de la crise de nerfs.
Bientôt sa voiture se transforme en cage quand, un beau matin, elle ne parvient plus à en sortir. Rien de mécanique dans l’histoire : non, le problème de Louise, ce sont des crises d’angoisse paralysantes qui l’empêchent de sortir de son véhicule, faisant dès lors de ce dernier un habitat temporaire imposé.
le road movie est un voyage initiatique autant qu’un cheminement personnel...
Et c’est bien là que réside l’originalité première du scénario : la raison pour laquelle Louise se retrouve enfermée dans sa voiture n’est ni une contrainte externe, ni un choix personnel. Comme le dira David, psychiatre kidnappé dans le but de lui faire suivre une thérapie express, des gens qui n’arrivent plus à sortir de chez eux, cela existe : ne plus oser sortir de sa voiture, en revanche, est un cas de figure auquel il n’avait jamais été confronté.
Durant la phase d’écriture, le réalisateur Didier Barcelo a découvert que son idée, finalement, n’était pas si loin de la réalité : une psychiatre lui a confirmé avoir été confrontée une fois à un tel cas, lorsque les angoisses d’une patiente l’avaient empêchée de sortir de sa voiture durant plusieurs heures.
Pour Louise, peu importe où ses roues la mèneront : en pleine crise, l’essentiel est de rester coûte que coûte dans l’habitacle rassurant de sa voiture. C’est lors d’un car-jacking que sa vie prendra, littéralement, une autre direction : alors que Paul (Benjamin Voisin) pensait voler un véhicule vide, c’est avec surprise qu’il découvre une femme quarantenaire cachée derrière la banquette arrière.
C’est lui qui, voulant rendre justice à son frère mort dans un accident de la route, choisit la destination. Paumés et cabossés, les deux vont finir par s’entendre petit à petit, sorte de couple mal assorti et involontaire qui parviendra à s’épauler presque malgré eux.
cauchemar des claustrophobes ou cocon douillet...
Navigant aisément entre l’habitacle et l’extérieur, la caméra, sans être claustrophobe, parvient à capturer le meilleur des deux mondes, entre le tableau de bord où dodeline la tête d’un chien offert par un éboueur impuissant et les paysages toujours plus dégagés menant au Cap Ferret, but que Paul s’est fixé.
Situations cocasses et rencontres improbables alternent avec des scènes aux contours plus réalistes : à chaque fois que la fiction cinématographique semble prendre le pas sur une réalité dans laquelle le spectateur aurait pu se projeter, un équilibre se rétablit. Entre deux couches de rocambolesque vient se glisser du vraisemblable, comme lorsque l’équipage, croisant pour la seconde fois la même auto-stoppeuse, décide de la faire monter à bord.
Electrosensible, monopolisant l’espace par un flot d’opinions forgées aux grés de vidéos YouTube et d’obscurs articles, c’est par la grâce de son allergie aux ondes que les deux compères parviendront à s’en débarrasser, alors qu’elle se dispute avec un gendarme à qui elle avait intimé l’ordre d’éteindre son walkie-talkie.
Bien sûr, le road movie est un voyage initiatique autant qu’un cheminement personnel : en 3 jours, même enfermée dans sa voiture, Louise vivra bien plus intensément qu’en 10 ans d’existence ordinaire. Quant à Paul, il parviendra finalement à faire la paix avec lui-même. Si le film est convaincant, c’est aussi grâce à la performance de ses deux acteurs : n’en faisant ni trop, ni trop peu, ils apportent fraîcheur – et un peu d’espoir – dans un quotidien terne où rien ne semblait plus compter.
La fin, saut dans le vide un peu inconscient, joyeux et extravagant, leur apportera une légèreté leur permettant de tourner la page. Alors que les objets flottent comme en apesanteur, les deux remontent vers la surface et prennent une goulée d’air, enfin libérés.
3,5/5 ★
Le 29 juin au cinéma
Plus d'informations sur «En roue libre».
Bande-annonce
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