News27. September 2017 Theo Metais
FFFH - Le Redoutable, Jeune femme, L’Atelier - Les critiques du Jury des Jeunes 2017.
Le 17 Septembre dernier les 5 daguets de la critiques qui composaient l’édition 2017 du Jury des Jeunes rendaient leur verdict et décernaient leur palme de coeur au film “M” de Sara Forestier. Nous vous l’avions promis, les textes viennent de paraître, à découvrir dans la suite de l’article.
Le Redoutable de Michel Hazanavicius (Critique par Astrid Dario Vassé, Jury des Jeunes 2017)
Godard, le magnifique Pour son nouveau film, Michel Hazanavicius a osé prendre un grand risque, et c’est réussi. Le film adapte le roman autobiographique d’Anne Wiazemsky, Un an après, sur son histoire d’amour avec Jean-Luc Godard. Il aurait pu s’attirer les foudres de la presse et du public en choisissant d’adapter la vie d’un réalisateur adulé par des générations entières de cinéphiles. C’est une comédie monstrueusement casse-gueule, avec un bel hommage au milieu cinématographique, et surtout, à Godard. Nous sommes à Paris vers 1967/1968, après le succès de La Chinoise. Peu de temps avant ce tournage, Godard rencontrait Anne Wiazemsky, de 16 ans sa cadette. Naît alors avec cette dernière un bel amour, sublimé par des scènes d’intimité d’une esthétique folle. Hazanavicius filme les grains de peaux, les lèvres, les yeux, les mains, et cela en noir et blanc, comme si la couleur était un artifice lorsqu’il s’agissait d’amour. A travers ce noir et blanc, il révèle la beauté des corps qui s’aiment.
"tout en finesse et en grâce"
Le film est porté par la performance de Louis Garrel qui interprète un Godard tantôt odieux, tantôt incertain, mais surtout très attachant et sensible. Il joue aux côtés de Stacy Martin, qui interprète Anne Wiazemsky, tout en finesse et en grâce. La remarquable performance de Louis Garrel laisse tout de même de la place aux jeux des autres acteurs, notamment Bérénice Bejo dans le rôle de la réalisatrice Michèle Rosier et Grégory Gadebois dans le rôle de Michel Cournot. Tous deux apportent une légèreté qui n’est pas feinte. Une scène mémorable où ils sont à six dans une voiture pour remonter du Festival de Cannes à Paris nous fait découvrir un Grégory Gadebois en pleine forme et tentant de défendre son film auprès de son ami Godard, qui lui avoue ne pas l’avoir aimé. Quant à Bérénice Bejo, son élégance simple et naturelle, sans artifices, contraste avec le montage et les effets spéciaux plutôt recherchés du film.
Le réalisateur, par son travail sur les dialogues et sur l’esthétique du film, déborde d’amour pour le cinéma et pour les acteurs, nous le sentons même de connivence avec Godard. Sans aucun doute, il l’admire. Hazanavicius semble avoir pris beaucoup de plaisir dans l’écriture de son film. Inutile de connaître l’œuvre de Godard pour apprécier pleinement les décors aux couleurs multiples, le montage original et créatif, la lumière présente dans le film ou encore les dialogues fins et drôles. Godard peut nous apparaître détestable et très souvent antipathique, voire tête à claques, mais il semble vivre surtout dans l’incompréhension et la solitude, dans l’hésitation. Il a tout de même en lui une certaine confiance, parfois excessive. En fait, Godard est un personnage d’une complexité telle qu’il en devient attachant. Il n’est que paradoxe. Avec son cheveu sur la langue, il envoie des piques à son entourage. Parfois, il devient égoïste, ce qui peut être pour le spectateur le début d’un désintérêt pour sa personne mais, à chaque fois, il nous attire à nouveau avec son humour simple, terre à terre et enfantin. Le Redoutable est un film de cinéphile sur des cinéphiles, mais qui s’adresse à tout public. Nous sommes vite embarqués dans l’histoire lorsque Godard, à plusieurs reprises, s’adresse directement à nous, regard tourné vers la caméra, avec pour seul son, sa voix.
Le Jury des Jeunes 2017 au complet
Jeune femme De Léonor Serraille (Critique par Bérénice Tinguely, Jury des Jeunes 2017)
Jeune femme, c’est le portrait de Paula, revenue à Paris après une longue absence, qui se retrouve dans cette ville, sans famille, sans toit ni travail, mais déterminée à ne pas se laisser abattre pour autant. Le spectateur la suit à travers différentes rencontres et une tentative de reprise en main qui ne sera pas facile.
"...une sensation de frustration, comme si tout n’était vu qu’en surface"
Premier long-métrage de Léonor Serraille, on sent une fragilité, une tentative d’expérimenter beaucoup de choses, ce qui résulte en un éparpillement d’idées pas toujours cohérentes. Le début du film, énergique et foudroyant, marche très bien, ce n’est que plus tard, que le film s’essouffle. Au cours de son périple dans Paris, le personnage de Paula rencontre de nombreux personnages, de premier abord, intéressants mais qui au final n’apportent pas grand-chose car trop peu détaillés. On en ressort avec une sensation de frustration, comme si tout n’était vu qu’en surface. En ce qui concerne la mise en scène, on sent qu’il y a du potentiel, les images sont soignées, mais tout manque encore une fois de relief. Les dialogues s’enchainent avec beaucoup de rythme, avec un ton humoristique tout en gardant un propos sérieux, mais cela ne suffit pas à accrocher à l’histoire.
Point positif, Laetitia Dosch, actrice principale, réussit à donner une unité et une personnalité à ce film. Incroyablement vivante, elle revêt toutes les facettes de ce personnage complexe avec une étonnante facilité. On remarque une progression dans son caractère et également visuellement grâce à l’évolution des tenues, du maquillage et des coiffures. On sent une personnalité à fleur de peau, à la limite de la folie et pourtant très attachante.
En conclusion, ce film reste une bonne représentation d’une réinsertion compliquée dans une vie où il est dur de se faire une place. C’est également un beau portrait de la femme, ne la mettant pas dans une simple case mais en la montrant sous différentes facettes. Malheureusement, sa mise en scène un peu imprécise aboutit à un résultat peu convaincant.
Gino Rösselet, Bérénice Tinguely et Rachel Labra - Jury des Jeunes 2017
L’Atelier de Laurent Cantet (Critique par Rachel Labra, Jury des Jeunes 2017)
“J’ai commencé à écrire ce film il y a 17 ans. Je me suis basé sur un atelier d’écriture qui a vraiment eu lieu peu de temps après la fermeture du chantier naval et qui me semblait être un dispositif intéressant pour cerner les préoccupations des jeunes.” (Cantet, L. 2017).
L’Atelier de Laurent Cantet est un film dramatique qui nous plonge dans l’ambiance de la Ciotat à Marseille, au sein d’un groupe de jeunes en stage de littérature. Accompagnés d’une romancière connue, Olivia, leur objectif est d’écrire ensemble un « roman noir ». Parmi eux, Antoine va peu à peu s’opposer au groupe en manifestant une provocation et une agressivité face à ses camarades et à leurs idées. Attiré et à la fois travaillé par la violence, ce jeune homme ne trouve pas les mots pour exprimer son mal-être, ce qui le pousse à agir. Olivia, à la fois déstabilisée et intriguée par cette attitude, cherchera à comprendre son fonctionnement mais surtout celui d’une jeunesse de 2016 qui tente comme elle peut de trouver un sens à son existence et de sortir de l’ennui.
Lorsqu’on aborde un sujet tel que la jeunesse et la violence dans le cinéma, il est difficile de ne pas tomber dans certains clichés. Mimiques, style vestimentaire, langage, centres d’intérêt, comportements prévisibles… Nombreux sont les pièges dans lesquels le réalisateur peut tomber et ainsi engendrer une perte de crédibilité du point de vue du spectateur. Même si certaines scènes peuvent avoir un air de « déjà vu » ou certaines actions paraissent un peu « fabriquées », manquant un peu de spontanéité, Laurent Cantet a veillé à laisser une certaine liberté dans le jeu d’acteur afin de ne pas créer de toute pièce des jeunes en mal de vivre. En procédant à un casting sauvage et en choisissant ses acteurs qui ne sont pas professionnels à la base, le réalisateur renforce l’authenticité de ses scènes et suscite de l’empathie chez le spectateur.
“Comment on peut avoir 20 ans, trouver sa place dans un monde violent, où la violence inédite s’impose à nous.” (Cantet, L. 2017).
Ayant lu le synopsis avant le visionnage du film, je m’attendais à beaucoup plus de suggestions et de démonstrations visuelles de violences chez les jeunes, au sein de leur environnement social et familial. Lorsqu’il y a un mal-être, on a tendance à chercher une raison à cela, une cause spécifique, prévisible et surtout visible au premier plan. Cependant, la source de cet état peut être le fruit d’un environnement et d’un ensemble d’événements beaucoup plus complexes, ce qui nous amène à voir plus large et à nous interroger sur le contexte sociétal de ces jeunes. Antoine n’a d’autres moyens que d’agir par la violence, pourtant il a une vie plutôt banale, comme n’importe quel autre jeune, avec des parents qui semblent concernés et investis. Au final, la violence n’était pas là où je l’ai cherchée. Laurent Cantet a voulu mettre en évidence une jeunesse qui s’ennuie, témoin de faits divers violents qui frappent sans prévenir, distants et à la fois qui touchent de près, ébranlent et questionnent profondément. L’ennui, l’instabilité, l’incertitude, toute l’authenticité est là.
Pour résumer:
L’Atelier propose des scènes longues, parfois sans dialogues et musique, avec des plans visuellement travaillés et des personnages crédibles, spontanés et attachants. Cette mise en scène bonne et agréable nous permet de nous plonger dans l’ambiance de la Ciotat et dans l’univers d’Antoine. Toutefois, le rythme étant très lent, j’ai eu de la peine à entrer dans l’histoire et à rester captivée tout au long du film. J’attendais avec impatience la scène qui marquerait un tournant dans l’histoire et celle-ci est arrivée bien tardivement.
Plusieurs thèmes sont abordés, comme la jeunesse, la violence, l’histoire du port de la Ciotat, l’héritage et l’histoire des anciennes générations, la littérature, le regard sur soi et les autres à travers un écran, les réseaux sociaux, le syndrome de la page blanche… ce qui donne du relief au scénario. Malgré un tournant plutôt négatif que prend l’histoire, Cantet propose tout de même une fin positive, avec de l’espoir, où chacun trouve au final ce qu’il est venu chercher. Olivia a permis à Antoine de mettre des mots sur sa condition, exprimer ce qu’il vivait intensément à l’intérieur de lui. En échange, Antoine a donné l’opportunité à Olivia de sortir des mots, de l’intellect et d’aller dans l’expérientiel, source de toute inspiration.
Pour plus d’informations rendez-vous sur le site du FFFH.
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