Interview18. Dezember 2018 Theo Metais
Le compositeur Tom Holkenborg sur «Mortal Engines», Hans Zimmer et ses inspirations
Il y a 15 ans, le compositeur hollandais Tom Holkenborg s'est installé à Los Angeles pour sa carrière; aujourd'hui il compose des musiques pour les plus grands comme George Miller, James Cameron ou Peter Jackson, actuellement au cinéma pour le blockbuster steampunk «Mortal Engines». Dans une interview, il nous a parlé de ses influences, de ses ambitions et de son mentor et ami, l’illustre Hans Zimmer.
[Berlin, 12 décembre 2018, par Théo METAIS.]
Tom Holkenborg, alors que vous venez des Pays-Bas, votre carrière a commencé sur la scène new-wave, en passant par le métal et l’électro, et aujourd'hui, des réalisateurs comme George Miller, Peter Jackson ou encore James Cameron vous laisse la liberté d’exprimer votre art, comment se sent-on?
Tom Holkenborg - C'est une sacrée étape, oui. Ma carrière de musicien électro s’est prolongée du milieu des années 80 jusqu'à presque 2012 et à la fin des années 90, j'ai vu Blade avec Wesley Snipes et j'ai été épaté de voir à quel point la musique fonctionnait bien dans ce film et ce qu’elle pouvait me faire ressentir.
C’est à ce moment-là que j'ai voulu devenir compositeur de musiques de film. J'ai d’abord déménagé à Los Angeles en 2003 pour me rapprocher de l'industrie. Puis j'ai aidé d'autres compositeurs, j'ai fait des essais et des films à petit budget. Je ne m'attendais absolument pas à pouvoir travailler avec des gens comme James Cameron [producteur du nouveau film Battle Angel, ndlr] 15 ans plus tard, c'est complètement dément !
Il m’a fallu valser entre des moments explosifs et des choses plus intimistes.
Comment êtes-vous arrivé sur le film «Mortal Engines»?
TH - Mon agent m'a contacté et m'a dit qu'il avait un très bon scénario qui pouvait être lu. J'étais tellement excité par le projet que je lui ai demandé de prendre contact avec les cinéastes. J'ai d'abord parlé au producteur et j'ai essayé de le convaincre que je voulais vraiment composer la bande originale de Mortal Engines. Puis on a organisé un Skype avec Peter Jackson, Fran Walsh [scénariste et épouse de Peter Jackson, ndlr] et Christian Rivers [réalisateur, ndlr].
À la suite de ça j'ai été invité à une vraie réunion avec toute l'équipe créative à Wellington. Accompagnés de bons vins et de tout ce qui va bien, nous avons revu le film et parlé de ce qui serait musicalement possible, jusque tard dans la nuit. C'est comme ça que j'ai eu le boulot.
Quand on écoute la bande-originale et plus particulièrement The London Suite, il y a quelque chose d’absolument apocalyptique et de profondément dramatique. Il y a cette dimension orchestrale mixée à de lentes et sombres marches. On reconnaît aussi vos synthétiseurs toujours en arrière-plan. Quel a été le plus gros défi à la création?
TH - Je crois que le plus grand défi aura été de combiner deux choses : d'une part réussir à capturer musicalement ce monde futuriste et son environnement absolument dingue avec ces villes motorisées, les attaques et cette grande muraille protectrice; et en même temps, il y avait aussi l'histoire de cette jeune femme que nous suivons pendant le film et pour laquelle nous devions ressentir de l'empathie. Il m’a fallu valser entre des moments explosifs et des choses plus intimistes. Ce changement permanent a été je crois le plus gros défi.
J’ai cherché ce mélange de tradition et de modernité
Peter Jackson a dit sur votre travail que c’est sans doute votre «meilleure composition à ce jour», le compositeur Conrad Pope parle lui d’une approche «nouvelle et moderne». D’où vient votre inspiration?
TH - Je me considère comme un compositeur touche-à-tout et je dis ça parce que j'aime les instruments. Je peux très bien être assis sur le canapé chez moi à la maison avec un alto, un violon, une guitare, une batterie et un enregistreur devant moi. Dans mon studio, je suis constamment entouré par des instruments et j'adore en jouer. Mon inspiration vient donc directement du jeu et de l'essai. Mon objectif disons, dans ma carrière à Hollywood, est de trouver un bon alliage entre un design sonore moderne et des éléments qui ont rendu par exemple si vivants les classiques hollywoodiens des années 40, 50 et 60. Et là je parle de personnes comme Bernard Herrmann ou encore Max Steiner qui a composé la musique du tout premier King Kong. J’ai cherché ce mélange de tradition et de modernité et dans Mortal Engines, le tout s'entremêle de manière assez naturelle.
Quel a été pour vous le moment le plus fascinant ou le plus excitant dans la composition?
TH - Il y en a eu tellement. Par exemple, lorsque la mélodie est enfin bouclée, on ressent forcément un grand bonheur et puis il s’en suit un moment plus effrayant, celui où vous devez la jouer pour la première fois au metteur en scène. Mais c’est de l’adrénaline, une autre forme de bonheur. Et puis quand votre mélodie est jouée par un orchestre de 80/90 personnes, c’est une sacrée expérience. Une partition jouée par un orchestre est toujours une expérience absolument incroyable mais alors quand c’est la musique que vous avez écrite … c’est juste époustouflant.
Et puis il y a évidemment quand le film célèbre sa première, là vous voyez et entendez le résultat final pour la première fois. J'ai aussi ma chaîne Youtube appelée « Studio Time », où je réalise de nombreux tutoriels dans lesquels j'explique en partie mes mélodies de films, pour de jeunes compositeurs par exemple. Les retours me sont si précieux vous savez, je crois bien qu’ils sont ces dernières notes de bonheur une fois un film terminé.
Enfin revenons sur votre collaboration avec Hans Zimmer sur la bande-originale de «Batman v Superman: L'aube de la justice». Comment ça s’est passé?
TH - Vous savez nous sommes amis depuis 2008, ou 2009, et nous nous connaissions donc déjà dans le privé. Nous avons travaillé ensemble sur certains de ses films, et mon rôle est disons devenu de plus en plus important. Un jour, j’ai quitté son studio d’enregistrement, ça s’appelle Remote Control à Santa Monica, et j'ai décidé d’ouvrir mon propre studio, après quoi j'ai fait des films comme Mad Max : Fury Road ou Deadpool.
Un jour, Hans m'a appelé et m'a demandé si nous pouvions travailler ensemble sur « Batman v Superman: L'aube de la justice ». Comme nous sommes amis et que nous n’étions que tous les deux en studio, nous nous stimulions mutuellement. Cette musique nécessitait sûrement un Allemand et un Hollandais, ce fût un mariage heureux (rires) !
Plus d'informations sur Mortal Engines. Au cinéma depuis le 12 décembre.
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