Review1. Dezember 2021 Sven Papaux
«Les Choses humaines» - Les existences cuirassées de principes envolés
En adaptant le livre éponyme de la romancière Karine Tuil, Prix Goncourt des lycéens en 2019, lui-même inspiré d’une affaire d’accusation de viol sur un campus de Stanford en 2016, Yvan Attal réalise son meilleur film. Au milieu d’un fossé de classe, Les Choses humaines expose la réalité dans toute sa complexité.
Les Farel sont séparés, mais ils restent un couple de pouvoir: Jean (Pierre Arditi), un journaliste politique star et sa femme, Claire (Charlotte Gainsbourg), essayiste reconnue, féministe aguerrie. Ils ont un fils, Alexandre (Ben Attal), étudiant à l’université de Stanford et de retour brièvement à Paris. Les parents sont désormais séparés et le jeune homme dîne avec sa mère, rencontre son nouveau compagnon, Adam (Mathieu Kassovitz), et la fille de ce dernier, Mila. Le repas avalé, un morceau de piano plus tard, les 2 jeunes gens s’en vont à une fête. Le lendemain, c'est la débandade: Mila a porté plainte contre Alexandre, pour viol. Alors est-il coupable ou innocent? N’y a-t-il qu’une seule vérité?
Yvan Attal, à l’instar de Ridley Scott et son film «Le Dernier Duel», expose les différentes perceptions de la vérité. Une affaire de viol et des témoignages confus, contradictoires auxquels se greffent les symptômes d’une époque, et une hiérarchie des classes. Une radiographie presque balzacienne pensée par Tuil dans son livre, dont dispose parfaitement Yvan Attal. Les regards des 2 protagonistes sont exposés, décortiqués selon leur point de vue, et divisé en 4 actes, conclus par un procès-fleuve et des plaidoiries édifiantes. Le cinéaste explore les multiples facettes des protagonistes et leurs vérités. Mais où se trouvent-elles d’ailleurs? Dans la déposition d’Alexandre, dans les délicates confessions de Mila à sa mère, aux policiers, à la barre. Yvan Attal nous plonge au cœur de ce déferlement médiatique et judiciaire. Le personnage de Benjamin Lavernhe, avocat d’Alexandre, aura d’ailleurs cette phrase puissante: « nous ne pouvons savoir la vérité. Il est avant tout question de la vérité judiciaire. »
«La face primitive de l’être humain ressort pour faire valoir son droit...»
Une affaire qui permet une étude quasi anthropologique des mœurs de la classe bourgeoise, des liens filiaux, des relations de pouvoir et de la culture du viol. Le récit dépasse le simple fait divers détaillé. Et c’est là, dans ce changement de paradigme qu’Yvan Attal expose le rapport de domination d’Alexandre, fils prodige de la haute bourgeoisie intellectuelle parisienne, exercé sur Mila, issue d’un milieu religieux plus modeste. Le brassage des thèmes sculpte, au milieu de l’emballement médiatico-judiciaire, des personnages secondaires se mouvant dans l’ombre de cette affaire. Le personnage de Claire, féministe à la répartie piquante et souvent attaquée sur ses positions, essuie la déflagration des réseaux sociaux. De donneuse de leçon, la voilà prisonnière de l’étau : son fils est dans le camp de ceux qu’elle combat. Ses dires et ses actes épousent à présent la contradiction.
Les Choses humaines tisse sa toile dans la sphère privée et ouvre les portes de l’entière et assommante procédure judiciaire. Les âmes se retroussent, et la face primitive de l’être humain ressort pour faire valoir son droit. Le marasme humain, la parole contre parole nous mitraillant de réflexions; le métrage empruntant même une trame psychologique de tout premier ordre grâce à une direction d’acteur solide. De Pierre Arditi, glaçant, excellent et fidèle représentant d’une autocratie toute puissante et de ce que #Metoo a mis en lumière, à Charlotte Gainsbourg, précise, en passant par Ben Attal, intéressant d’intériorité, le casting plaît par son allant. Et Yvan Attal de nous exposer son film le plus convaincant à ce jour.
4/5 ★
Le 1er décembre au cinéma. Plus d'informations sur «Les Choses humaines».
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