Review12. April 2019 Sven Papaux
« Les oiseaux de passage » - Thriller radical à l'aube du trafic de drogue
Présenté en ouverture de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes, « Les oiseaux de passage », film à l’histoire violente et très actuelle, suit une famille d’indigènes devenue riche grâce à la vente de marijuana. Une oeuvre radicale, signée du talentueux duo Ciro Guerra et Cristina Gallego.
En 1968, la famille Wayuu se retrouve au centre d’une affaire en pleine expansion : le commerce de marijuana. Les « gringos » américains sont des proies toutes faites pour les Wayuu. Au sommet de la pyramide, Rapayet (José Acosta) et son associé Moises (Jhon Narvaez) ne vont cesser de multiplier les commandes de shit et par conséquent vont crouler sous l’argent. La naissance des cartels de drogue est amorcée.
La chronologie de l’histoire repose sur des faits réels distillés en plusieurs chapitres, cinq pour être précis. Le début des cartels. La légende de Pablo Escobar s’est sûrement forgée grâce à ces premiers Colombiens avides. Deux familles pourtant amies et liées vont perdre tout contrôle sur leurs prétentions pécuniaires. Plus les années passent, plus la richesse s’accumule. Les maisons, les armes deviennent omniprésentes à l’écran. L’argent coule à flot, certes, mais crée les premières échauffourées, les premières disputes et les premières pertes humaines. Le premier à perdre le contrôle est Moises, l’associé de Rapayet. Sa tendance à avoir la gâchette un peu facile va à l’encontre des valeurs familiales.
Ciro Guerra et Cristina Gallego (L'Etreinte du Serpent) ont trouvé un sujet à l’équation intéressante : entre honneur familial et héritage culturel dans ce coin de pays très pauvre, l’argent viendra vampiriser l’empreinte identitaire chère aux anciens d’une communauté réfractaire au capitalisme. Les premiers clients américains débinent le communisme au profit du capitalisme. Et le changement est radical : Rapayet s’est astreint d’une dot (10 vaches, 50 chèvres et des bracelets) pour pouvoir marier Zaida (Natalia Reyes). La Colombie des années 70 est encore loin des fantaisies escobariennes, mais elle s’en rapproche. Une radicalité narrative, au milieu d’une vendetta parfois ennuyeuse, mais aux fulgurances dévastatrices. Des discours exaltés, un engrenage désastreux où l’avidité détruit les coutumes ancestrales. Le traitement est sec, aride, terrible.
En bref !
Une immersion parfois brouillonne, sanglante, voire imprévisible. Le métrage fait l’élastique entre les excellentes séquences et les longueurs. Les quelques fulgurances nous rappellent que Les oiseaux de passage est un récit à la lisière de l’ennui, s’étirant, mais son équation entre coutumes et argent vous projette dans une réflexion et un thriller radical.
3,5/5 ★
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