Review9. Juni 2022 Cineman Redaktion
«Tom Medina» - Préférer la liberté de l’homme à celle de la manade
Le nouveau film de Tony Gatlif s’inspire de l’adolescence du réalisateur et scénariste de descendance kabyle et gitane, de son placement, peut-être aussi de ses rêves de jeunesse dans les paysages rudes de Camargue où l’humain n’est qu’un visiteur. La nature, les animaux qui l’entourent et les rencontres qu’il y fera donneront à un jeune homme l’impulsion pour reprendre sa vie en main.
(Une critique Eleo Billet)
Tom Medina, un prénom d’emprunt idéal pour ce héros idéaliste qui se rêve torero. Mais le personnage n’a pas grand-chose à offrir à la famille qui l’héberge et le forme au métier de gardian, si ce n’est sa bonne volonté et son sourire frimeur qui dissimule des plaies encore béantes. La caméra le colle tandis qu’il est propulsé dans un environnement inconnu où il doit affronter la boue comme le mépris pour se relever ensuite avec le sourire.
La personnalité de Tom, mais aussi ses fragilités, sont dévoilées dans les premières scènes alors que la mort le suit, de l’arène de corrida à la chambre d’un fils quasi-défunt où il sera logé. Le jeune homme apparaît déjà comme une contrefaçon lorsqu’il enfile les vêtements d’un autre, observe ses peintures et ses rêves qui deviennent siens tandis qu’il se perd dans les souvenirs d’un naufrage lointain.
Reste un récit d’émancipation poétique et un récit délicat sur l’acceptation de ses fantômes grâce au soutien d’êtres aussi égarés que soi.
Une fois les personnages et leurs tourments présentés, bien souvent liés à une histoire familiale douloureuse, ce qui importe à Tony Gatlif est moins son scénario, très souvent décousu, que les errances de son personnage principal, hanté par son environnement et par un mirage en forme de taureau blanc.
La beauté du provençal et la musique ont également une place prépondérante dans ce voyage spirituel à travers la Camargue, surtout lorsque l’anticonformisme des airs de métal-pop de «Stella», interprétée par l’artiste Karoline Rose Sun, succèdent aux sonorités du groupe gipsy «Manero», si chères au réalisateur.
Mais le retour au quotidien et sa brutalité, entre discriminations, mal-être et pauvreté des âmes rencontrées, ramène Tom Medina sur le chemin de la criminalité, à la recherche d’une autre justice. Seulement, le destin ne se conduit pas comme le lui rappelle Ulysse, prêt à l’épauler et même à lui rendre sa liberté, alors qu’il retrouve dans sa peine la douleur qui traversait son fils disparu.
Malgré la simplicité apparente de l’histoire présentée, difficile d’être emporté par la distribution pour cause d’une mauvaise direction, pas aidée par le choix de David Murgia (déjà croisé en 2014 dans «Geronimo» du même réalisateur) pour interpréter un jeune adulte traumatisé. Par chance, la mise en scène compense le manque d’émotions des personnages en faisant ressentir au public les moindres vibrations de la nature, du galop des chevaux dans les roseraies, et le vertige des hallucinations.
La beauté du provençal et la musique ont également une place prépondérante dans ce voyage spirituel à travers la Camargue.
Si la fin reste ouverte pour Tom et Suzanne, elle conclut lourdement l’arc d’Ulysse et de sa fille, de même que la part de réalisme magique dans un long-métrage sinon très terre-à-terre. Reste un récit d’émancipation poétique et un récit délicat sur l’acceptation de ses fantômes grâce au soutien d’êtres aussi égarés que soi.
3,5/5 ★
Depuis le 8 juin au cinéma
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