Critique30. Mai 2024

Critique de «Little Bird» sur Arte, quand le Canada chapardait les enfants autochtones

Critique de «Little Bird» sur Arte, quand le Canada chapardait les enfants autochtones
© Steve Ackerman/Fremantle

Disponible depuis quelques jours sur Arte, la série «Little Bird» revient sur la rafle des années 60, cette époque sombre où le Canada dérobait les enfants autochtones à leurs parents. Un morceau d’histoire au cœur d'une série captivante. Coup de cœur.

Dans la province du Saskatchewan, en 1968, Bezhig Little Bird, cinq ans, est arrachée à sa famille avec son frère et sa sœur. Les services sociaux canadiens prétextent la malnutrition pour dissoudre la famille. Et qu'importe si la mère se débat devant les tribunaux pour récupérer sa progéniture, ils sont envoyés dans un pensionnat. Bientôt adoptée par une famille juive de Montréal (Lisa Edelstein dans le rôle de la mère), Bezhig se nomme aujourd'hui Esther Rosenblum. Et alors qu'un mariage se profile, la jeune femme, 20 ans (Darla Contois), tente de retrouver sa famille biologique.

Critique de «Little Bird» sur Arte, quand le Canada chapardait les enfants autochtones
Darla Contois et Rowen Kahn dans «Little Bird» © Steve Ackerman/Fremantle

Présentée au Festival Séries Mania en 2023, «Little Bird» repartait avec le Prix du Public de la meilleure série. Sa diffusion sur la chaîne franco-allemande était donc attendue de pied ferme. Il en avait fait l'un de ses projets de campagne, dans les contrées du Premier ministre Justine Trudeau, la réparation et la reconnaissance du droit des peuples autochtones est une affaire pour le moins brûlante. Aussi, «Little Bird» empoigne les archives et ce chapitre dont le Canada ne sait comment se dépêtrer. Connue en anglais sous le nom de Sixties Scoop, la rafle des années 60 fait référence à cette politique gouvernementale qui a consisté à faire adopter des enfants des Premières Nations, métis et inuits, par des familles blanches et ainsi les assimiler à la culture dominante.

Au total, le pays dénombre aujourd'hui 20 000 enfants dans cette situation. Devant la caméra d'Hannah Moscovitch et Jennifer Podemski, l'actrice et écrivaine Darla Contois, issue de la Nation crie de Misipawistik, incarne l'une de ces enfants déplacés. De l'horreur de l'arrachement, à l'isolement dans les pensionnats autochtones, à l'aliénation, à l'adoption, au vide du déracinement, «Little Bird» suit une narration épurée pour nous mettre à la hauteur du récit et du périple de sa protagoniste. À mesure que la vérité s'éveille, les atrocités se révèlent, et la force de résilience aussi. Sur 6 épisodes (environ 50 minutes), la série «Little Bird» est à la fois manifeste, éducative et un bel objet sériel. Un divertissement rare, qui maîtrise l'art de la retenue pour parler de ce génocide culturel, des traumas collectifs et des plaies laissées béantes. À regarder sans modération.

4/5 ★

Depuis le 23 mai sur Arte et jusqu’au 21 août sur Arte.tv

Bande-annonce de «Little Bird»

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