Interview7. September 2021 Theo Metais
Entretien avec Colin Firth et Stanley Tucci - «C’est une histoire tellement subtile»
Ils s’étaient rencontrés, jadis, pour une production HBO, depuis Colin Firth et Stanley Tucci ne se sont jamais quitté. Une amitié par-delà les océans, l’un gamin de Peekskill à New-York, l’autre grandit dans l’East Hampshire anglais. D’aucuns croiraient à l’effervescence des relations à l’écran, après tout sur un plateau ça va ça vient, mais leur amitié perdure depuis 20 ans. Les voilà à l’affiche de l’un des très beaux films de cette rentrée. Intitulé « Supernova », ils incarnent ce couple aux confins de la maladie. Nous les avons rencontrés.
(Propos recueillis par Theo Metais)
« La première fois que nous nous sommes rencontrés, c’était sur le tournage de Conspiracy pour HBO », nous raconte Stanley Tucci. Un téléfilm sorti en 2001 sur les évènements de la conférence de Wannsee qui débouchera sur le déploiement de « solution finale de la question juive ». Avouez que l’anecdote n’est pas banale. Depuis les deux acteurs s’admirent, et se respectent. Deux amis prodigieux comme l’étaient Montaigne et La Boétie. « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». La formule leur va si bien. Et à l’aube d’un terrible diagnostic médical, Colin Firth et Stanley Tucci prennent la route et mettent leur amitié véritable au service d’un amour à l’écran, celui-là qui unit Sam et Tusker.
Le film observe justement des émotions immenses et comment elles s’imprègnent aux situations les plus quotidiennes.
« Tourner un nouveau film, c’est un peu comme un premier jour d’école. Vous vous sentez seul et extrêmement nerveux. Et savoir que vous allez jouer avec ce niveau d’intimité, physique et émotionnel, avec l’un de vos meilleurs amis à quelque chose de très rassurant (...). En définitive, cela enrichie le film. » se confie Stanley et Colin de reprendre: _« Stanley et moi, nous avons traversés des moments heureux et des heures bien sombres. Alors évidemment cela met à l’aise, et puis cela permet d’avoir une certaine décontraction, nous n’avions pas à la jouer. »___
« La métaphore du ciel est bien élégante. » nous glisse Colin Firth. Alors puisqu’il s’agit du ciel, il est vrai que les planètes se sont alignés pour le cinéaste britannique Harry Macqueen qui s’épaule ici de peut-être l’un des duos les plus élégants du cinéma moderne. Le projet est à leur image et ils nous en racontent la genèse. « C’est mon agent qui m’a envoyé le script. Je l’ai lu et je l’ai trouvé absolument magnifique. On s’est rencontré, puis j’ai regardé son premier film, que j’ai adoré. (...) ensuite, j’ai discrètement envoyé le script à Colin sans le dire à Harry. Il l’a adoré, et on s’est tous rencontrés. ». « J’étais prêt à auditionner » s’amuse Colin Firth, « (...) mais la seule décision a été de savoir quel rôle nous allions interpréter. Initialement, nous devions jouer les rôles inverses. »
J’ai discrètement envoyé le script à Colin sans le dire à Harry...
Et les voilà lancés sur les routes de leurs souvenirs, à la rencontre de celles et ceux qui ont partagés leur vie. Au chaud de leur van, ils déplient, parfois le soir, une carte du ciel et Stanley Tucci s’émerveillent des constellations. « C’est une histoire tellement subtile et qui finalement se concentre assez peu sur leur homosexualité. C’est avant tout une histoire d’amour, délicate et ça la rend extrêmement touchante. ». À l’aube d’une démence précoce, le couple s’échine de ne plus avoir assez de temps. Leur voyage emprunte alors aux grandes épopées initiatiques alors qu’ils sillonnent l’immensité vertigineuse des plaines du Nord-Ouest de l'Angleterre.
Alors comment parler de l’imprononçable et de l’inavouable alors que la maladie gronde et que le temps presse? C’est peut-être Colin Firth qui en parle le mieux: « C’est avec retenu, je crois, que les gens s’imprègnent des émotions et du grand amour. (...) Dans ma vie, je constate d’ailleurs que lorsqu’il y a un contentieux entre deux personnes, elles finissent par se disputer au sujet du GPS et de l’air conditionné dans la voiture simplement parce que l’on parle rarement des vrais sujets. Les petites choses de l’ordinaire coexistent parfois avec des problèmes enfouis. Le film observe justement des émotions immenses et comment elles s’imprègnent aux situations les plus quotidiennes. Les gens se reconnaîtront là-dedans. » Et Stanley de conclure: « Je ne pense pas qu’il n’y avait pas de place pour faire un mélodrame. C’est à la fois sévère, subtile et poétique. »
Le 8 septembre au cinéma. Plus d'informations sur «Supernova».
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