Interview7. Oktober 2022 Theo Metais
Peter Farrelly et Zac Efron sur leurs ambitions pour «The Greatest Beer Run Ever» et ce que le film raconte aujourd’hui de la guerre au Vietnam
Avec son nouveau film, Peter Farrelly a donné à la guerre du Vietnam une nouvelle perspective au cinéma. Zac Efron y incarne ce civil, qui dans un curieux élan, livre de la bière à ses amis sur le front. Rencontre.
(Propos recueillis et mis en forme par Théo Metais)
Il a débarqué le 30 septembre dernier sur Apple TV+ avec un nouveau film. Cinéaste oscarisé en 2019 pour «Green Book», devenu culte pour avoir réalisé avec son frère «Dumb & Dumber» en 1994, Peter Farrelly livre une dramédie singulière sur l’une des pages sombres de l’histoire américaine. Un sujet, certes mainte fois exploité par le 7e art, qui permet néanmoins de repointer du doigt l’impérialisme américain.
«J’ai revu tous les films sur la guerre du Vietnam : «Apocalypse Now», «Platoon»; «Full Metal Jacket» etc. J’ai tout revu pour être certain de ne pas répéter quelque chose qui avait déjà été fait. Vous savez, j’ai grandi avec le Vietnam. Ce que j’ai vraiment aimé dans cette histoire, c'est qu’elle est racontée du côté d’un civil, et pour moi ça permet de séparer ce film du reste du lot.»
«Comme un morceau d’histoire que tout le monde aimerait oublier.» nous dit Zac Efron. Une honte nationale, un trauma… Ici, les horreurs de l’invasion américaine au Vietnam ne sont pas mâchées, au contraire. Il avait 10 ans en 1967, nous dit-il, pour Peter Farrelly, les souvenirs ne sont pas très loin : «Je me souviens quand la guerre a fait irruption dans les foyers, et des avions qui nous passaient au-dessus de la tête. Notre voisin de palier est mort au Vietnam.»
«The Greatest Beer Run Ever» se fait le récit de cet étonnant «Chickie», jeune new-yorkais resté au bercail alors que ses comparses du quartier se sont envolés pour le Vietnam. Sa sœur milite activement pour dénoncer les ignominies de la guerre, et «Chickie» se sent d’un élan pro-américain. Et voici qu’il lui vient l’envie de livrer de la bière… Une histoire si absurde qu’elle aura chatouillé les babines de Peter Farrelly.
«On m’avait envoyé un lien vers ce documentaire Youtube de 12 minutes réalisé par Andrew Muscato. J’avais du mal à croire que cette histoire soit vraie, et pourtant... Plus tard, j’ai réalisé que l’idée d’envoyer de la bière en zone de guerre me plaisait. J’avais l’impression de connaître un type pareil. Les gens avec qui j’ai grandi auraient pu faire un truc aussi stupide. Clairement ça n’était pas le truc le plus intelligent à faire, mais c’est quelqu’un qui avait envie de soutenir ses amis. Et c’est ce qui m’a convaincu…»
Lloyd Christmas incarné par Jim Carrey dans «Dumb & Dumber», ou encore Tony 'Lip sous les traits Viggo Mortensen, la cinématographie de Farrelly nous le rappelle à chaque fois: le voyage intérieur des personnages importe plus que leur état initial. C’est Zac Efron qui nous en parle: «J’ai adoré l’idée de fraternité et de camaraderie entre «Chickie» et ses amis. Son dévouement pour ces types partis au Vietnam m’a bluffé. Il y a quelque chose d’assez incroyable. Et puis au fil du film, tu découvres un type normal qui traverse les enfers, qui apprend, qui finalement s’ouvre à lui-même et change d’état d’esprit.»
Zac Efron s’offre en effet un rôle immersif, à l’arc narratif complexe. Une vraie performance pour l’acteur qui nous avait déjà habitué chez Harmony Korine («The Beach Bum») et James Franco («The Disaster Artist») à des prestations loin des lumières sous lesquelles il s’est formé : «Ce film, cette expérience, ce niveau de narration, travailler avec des gens comme Peter Farrelly et Russell Crowe... J’essaye de ne pas trop y penser, mais si j’avais eu l’occasion de décider, c’est comme ça que j'aurais souhaité commencer ma carrière. (rires)…»
«The Greatest Beer Run Ever» est aussi l’occasion de découvrir d'excellents seconds rôles interprétés notamment par les talentueux Russell Crowe dans la peau d’un photographe de guerre à Saïgon et Bill Murray en patron de café à New-York. «Ce sont de vrais pros.» nous dit le cinéaste. «Entre les prises, ils conseillaient les acteurs moins expérimentés. (...) Avoir Bill Murray et Russell Crowe disponibles et capables de peaufiner la performance des acteurs, c'était un cadeau phénoménal…» Zac Efron en était lui-même enchanté: «C’était extraordinaire de voir de telles légendes au travail. Quand ces deux gars-là sont dans les parages, tout le monde est un peu plus grand. Ils étaient mes héros, et ils le sont toujours (rires). Parfois, tu rencontres les gens que tu admires, et puis c’est plus décevant que prévu. Vraisemblablement, il y a des exceptions à la règle…»
Il n’en fallait pas moins pour déclencher un rire sensible en zone de conflit et peut-être rendre à cette histoire son éloquence. «Le postulat de départ est tellement stupide que ça donne quelque chose de loufoque à l’ensemble. Et il devient facile de rire gentiment du personnage tout en observant son incroyable aventure. La brutalité de son arrivée au Vietnam change le ton du film, c'est vrai, mais c’est un changement graduel, pour lui aussi d’ailleurs…»
Et Peter Farrelly de conclure : «Ça permet aussi de montrer que le leadership américain au Vietnam était une catastrophe. Personne ne s’en rendait bien compte à l’époque. Les États-Unis ont pensé que c’était une guerre justifiée, et on s’en est rendu coupable.»
«The Greatest Beer Run Ever» est disponible depuis le 30 septembre sur Apple TV+.
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