Critique11. November 2019 Sven Papaux
«Le Mans 66» - Ford v Ferrari selon James Mangold
Le Mans, «le circuit de la Sarthe» est une religion pour beaucoup de pilotes. Les 24 Heures du Mans et le milieu de la compétition automobile ont vu naître une rivalité entre 2 constructeurs dans les années 60: celle de Ferrari et Ford.
Basé sur une histoire vraie, «Le Mans 66» est l’incarnation même de la passion automobile. D’un côté Carroll Shelby, le visionnaire, le vainqueur des 24 Heures du Mans de 1959 appelé à propulser Ford sur le devant de la scène; de l’autre il y a Ken Miles, pilote britannique au franc-parler, à la manœuvre virtuose. Ces deux hommes partent à l’abordage d’une quête glorieuse: faire tomber le cheval cabré, emblème légendaire du constructeur Ferrari.
L’ombre de Steve McQueen, dans le film «Le Mans» sorti en 1971, se fait sentir en toile de fond. En 2019, le cambouis et l’huile de moteur ruissellent sur la pellicule de James Mangold. Les moteurs rugissants et la rivalité des constructeurs forment l’ADN d’un film à la structure narrative classique, mais efficace pour une œuvre de ce calibre. «Rush» de Ron Howard misait sur le glamour du monde de la F1, Mangold prend le parti d’investir la pureté et la passion qui animent 2 amis prêts à porter une marque au firmament de la course automobile. L’insolence face à l’image dictée par Henry Ford deuxième du nom. L’arrogance américaine, et son aspect très «show off», se frotte à l’honneur d’un Italien du nom d’Enzo Ferrari. Envoyé à Maranello pour s’entretenir avec le grand boss italien, Lee Iacocca - joué par Jon Bernthal - et sa décontraction très américaine se cassent les dents face à l’honneur transalpin. De là commence une vraie (mais saine) rivalité entre Ford et Ferrari.
«Un tandem de premier ordre, aussi touchant qu’explosif...»
L’entretien raté de Lee fait écho au personnage de Ken Miles, incarné par l’allure amaigrie de Christian Bale. Des pommettes saillantes, la bouche tordue - comme l’était le vrai Ken Miles et sa bouche se tordant quand il parlait -, toujours une tasse de thé à la main; la dégaine que donne Christian Bale à Miles le rend authentique et acharné. Avec Matt Damon, ils forment un tandem de premier ordre, aussi touchant qu’explosif. Et Mangold de réaliser un film à l’image des 24 Heures du Mans, avec ses furieux dépassements et ses sorties de route violentes - la reconstitution est un plaisir visuel.
Une fresque qui respire les effluves de moteur; une pure course à l’ancienne signée James Mangold dans un biopic suintant la passion. L’amour de la mécanique face à la gloriole. La beauté du dernier segment - la course, point d’orgue - est là pour rappeler la relation entre un circuit mythique et une épopée qui l’est tout autant. Dans cette furie compétitive qui fait déplacer des montagnes et gagner des titres, deux hommes animés par une envie de repousser les limites et de se surpasser pour valoriser ce que l’automobile est pour eux: un art. Entre les dépassements et les faits de course, le spectre des bureaucrates qui ne comprennent pas la singularité de ce sport. James Mangold n’hésite pas à replacer la légende du Mans et la tradition automobile avant l’argent et le paraître. En ça, «Le Mans 66» est un œuvre excitante et totalement immersive.
En bref!
Derrière son duo de choc et son excellente alchimie, «Le Mans 66» possède cette identité, cette vitalité qui en fait un film de sport (et un biopic) de facture classique, certes, mais enthousiasmant.
3,5/5 ★
Plus d'informations sur «Le Mans 66». Le 13 novembre prochain au cinéma.
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