3 jours à Quiberon Autriche, France, Allemagne 2018 – 115min.

Critique du film

Entretien avec une icône

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

En 1981 Romy Schneider s’offre une retraite maritime et purge ses excès dans une clinique luxueuse de Quiberon en Bretagne. A 42 ans l’actrice chancelle au bord de la faillite et se meurt d’une santé fragile. Du moins, c’est le parti pris de la réalisatrice Emily Atef. Un choix narratif qui froisse prodigieusement les proches de l’actrice, mais la réalisatrice n’a jamais eu d’autre dessein que celui d'une composition autour du mythe. Emily Atef s’en défendra elle même, des libertés ont été prises, nous épargnant la tragédie romanesque du documentaire au profit d’une réécriture de ces 3 jours d’interview.

Le film s’ouvre tendrement, Romy Schneider fume langoureusement face à l’Océan. L’actrice a la cigarette facile. Elle apparaît de dos, nous nous approchons avec la caméra, à pas de velours, dans la confidence. Le noir et blanc donne une authenticité indéniable à la photographie et le choix de l’actrice Marie Bäumer s'impose comme une évidence à l’écran. A L’image des clichés réalisés par le photographe Lebeck (Charly Hübner), Emily Atef filme une Romy Schneider mise à nu, brute, princière mais sincère et surtout maladroite dans son rapport au monde. La première à en faire les frais c’est un personnage monté de toutes pièces, celui de Hilde Fritsch (la véritable amie préférant ne pas être illustrée à l’écran), cette amie d’enfance venue de Vienne pour épauler l’actrice (extrêmement touchante sous les traits de l’excellente Birgit Minichmayr).

Dans cette dernière interview Romy Schneider s’épanche douloureusement sur sa vie d’actrice, sa vie de femme et de mère. Noyée par le vin blanc, Michael Jürgs (Robert Gwisdek) lui sert une psychothérapie assassine, embaumée de belles lettres, mais c’est l'abattoir pour l’actrice. Les lecteurs du Stern y verront de jolies confidences, consternantes pour son amie Hilde, et Lebeck papillonne caméra au poing. Tous embourbés dans le cirque Schneider, l’entrevue confronte le photographe (et amant silencieux), le journaliste et l’amie impuissante dans les vicissitudes de la célébrité. Porté par l’aimable photographie de Thomas W. Kiennast, l’entretien trouve une modernité contemporaine lorsqu’il nous parle d’éthique journalistique, d’émancipation douloureuse et d’une dépendance paradoxalement viscérale à la presse. Ici les traits sont noircis et Emily Atef use de la fiction pour décanter les faux-semblants, sans doute, tout l'intérêt de «3 Jours à Quiberon».

Au lendemain de la guerre, l’actrice sera clouée au pilori d’une nation qui se cherchait une icône angélique. Quelques mois avant son décès, cette interview en huis clos trouvera des airs de requiem avant l’échafaud, comme un présage. Il semble que tout était devenu hostile à celle qui ne réclamait qu’une vie décente. Il y a cette scène et un cliché pour la postérité: Romy Schneider surplombe la côte sauvage et virevolte faussement devant l’appareil de Lebeck avant de se blesser la cheville sur les rochers. La réalisatrice est métaphysique. Au-delà de Romy Schneider c’est une entrevue avec une icône. Le rythme est lent mais Emily Atef réussit le pari d’une composition malicieuse, pleine d’espoir et presque féérique, à l’image d’un dialogue surréaliste avec un magnifique Denis Lavant en poète breton.

18.06.2018

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