Halloween Etats-Unis 2018 – 106min.
Critique du film
Des fusils, des masques
Sur le papier, ce nouvel Halloween porté par David Gordon Green et Jason Blum a tout du projet kamikaze. Plutôt que de rebooter complètement la franchise avec une approche différente comme le fit Rob Zombie, le choix a été fait de produire une suite directe au tout premier film et de reprendre là où John Carpenter s’était arrêté, aussi bien narrativement que conceptuellement. Or, c’est une véritable gageure, car le maître avait si bien soigné l’oeuvre de 1978 qu’elle s’est imposée comme un monument de pop-culture précurseur de tout le genre du slasher, mais aussi comme une vraie proposition esthétique forte et signifiante, à tel point qu’elle est étudiée dans les écoles de cinéma (notamment son ouverture, absolument géniale).
Extrêmement pointu et en même temps extrêmement populaire, voilà un grand écart que peu d’oeuvres parviennent à accomplir, et force est de constater que, sans démériter, cette nouvelle mouture de Halloween ne reproduit pas l’exploit. Pourtant, et c’est ce qui est le plus étonnant, Halloween 2018 réussit là où on le voyait se vautrer misérablement dès l’annonce de l’écriture du film, mais échoue sur ce qui ne pouvait sembler qu’être une formalité.
Laurie Strode est ainsi écrite très grossièrement comme une parodie de Dana Loesch, un nouveau monstre latent finalement, qui fait d’elle le vecteur d’un encombrant et maladroit pseudo-propos sur les armes à feu et la paranoïa sécuritaire. Malheureusement, c’est franchement mal fait, et Halloween filme les armes à feu avec une telle insistance et une telle fascination qu’il finit par exprimer l’inverse, et c’est très dommage, même si cela donne un beau final tout feu tout flamme. Le rythme du long-métrage est également de ce fait assez inégal, et on en vient à trouver le temps long lorsque Michael Myers n’est pas là.
Et pour cause : là où Halloween marque tous ses points en revanche, c’est sur Michael Myers. C’est toujours un peu facile de jouer au jeu des comparaisons, mais il faut admettre que ce qui faisait le sel du premier Halloween est en partie retrouvé ici grâce à la délicatesse avec lequel notre tueur est traité. À la fois présence extrêmement pesante et ombre fugace, Michael Myers a toujours été pensé comme une manifestation quasi-abstraite du mal. Ce concept par nature anti-spectaculaire, David Gordon Green parvient à le faire sien, et même si sa réalisation et son ambiance sont moins inspirées que John Carpenter, et qu’il aurait pu faire l’économie de quelques clins d’oeil, c’est tout de même un soulagement de voir que c’est un chemin compliqué mais signifiant qui a été pris plutôt qu’un raccourci bourrin aboutissant à un tueur psychotique lambda écrit sur un coin de table.
Quasi-imperceptible et pourtant toujours prêt à surgir, immobile et pourtant jamais au même endroit d’une coupe à l’autre, Michael Myers demeure cette ombre insondable et innarêtable, ce trou noir au comportement si programmatique et pourtant si incompréhensible, dont le seul reste d’humanité semble être un sens esthétique ou un sens de l’humour aussi morbide qu’enfantin (le film n’est pas avare en mises en scène inventives de la mort). Halloween a l’infini bonté de nous épargner une lénifiante psychologisation d’un personnage qui gagne de toutes façons à demeurer une énigme, et le film parvient à produire sous nos yeux émerveillés la seule et unique chose qu’il était vital de ne pas manquer : un tueur flippant.
En bref ! Halloween 2018 est totalement dispensable vis à vis du mythe dans lequel il s’inscrit, et trébuche sur tout ce qui n’est pas directement lié à son tueur, notamment sur la question des armes. Mais le simple fait de voir enfin Michael Myers vivre procure une fascination satisfaisante, si vous ne vouez pas un culte sacré à l’original.
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