Nos batailles Belgique, France 2018 – 98min.
Critique du film
La détresse d’un père abandonné
Guillaume Senez s’était fait connaître avec l’inégal Keeper, premier long-métrage présenté au festival de Locarno en 2015. Son deuxième, présenté cette fois-ci à la semaine de la critique cannoise, brosse le portrait d’un père désemparé après le départ inopiné de sa femme. Nos Batailles démontre le talent indéniable d’un cinéaste en devenir.
Lui, c’est Olivier (Romain Duris), un chef de groupe dans un grand entrepôt. Il se bat contre les hautes sphères de la société qui l’emploie et tente de faire entendre les difficultés que rencontrent les employés sur le lieu de travail. Un homme qui se bat pour ses collaborateurs face à Agathe (Sarah Le Picard), l’une des responsables des ressources humaines. Combat social au travail, combat également dans la sphère privée. La vie n’est pas un long fleuve tranquille pour Olivier, surtout quand sa femme prend ses cliques et ses claques, laissant une fille et un fils, Rose et Elliot.
Pas un mot, pas la moindre trace, Laura est partie sur un coup de tête. Une vie trop compliquée, une déprime de plus en plus insoutenable ? Les raisons resteront nébuleuses, car Guillaume Senez axe davantage son histoire sur le vide laissé par une mère. Coincé dans une vision patriarcale (et dépassée) de ce que doit être la famille, que fera ce père, lui qui s’occupait davantage de ramener l’argent au bercail plutôt que de cuisiner pour ses rejetons ? Le retour de bâton fait très mal quand il se retrouve esseulé. Senez suit le tournant d’une vie, celle d’un père célibataire tout bonnement incapable.
Si la première partie péclote à cause notamment d’un trop plein de pessimisme, le métrage prend une autre dimension le jour où Laura déguerpit. Olivier prend ses responsabilités et trouve un peu de réconfort auprès de sa soeur, campée par la lausannoise d’adoption, Laetita Dosch. Haute en couleur, l’absence de sa femme aura pour mérite de les rapprocher.
La fragilité dont fait preuve Senez avec Nos Batailles, demande une certaine rigueur dans la mise en scène et dans la direction des acteurs. Hésitant dans la première partie, le récit opère finalement comme un étau. Le film se resserre doucement pour devenir moralement éprouvant, usant, à l’image du vide laissé par cette absence. Une belle retenue dans les émotions et une froide réalité caractérisée par la performance de haute voltige de Romain Duris. On navigue avec le spectre d’un hypothétique retour de Laura, devenant au passage une trame au suspense. Des batailles à plusieurs étages et menées sur tous les fronts, à la maison comme à l’extérieur. Nos Batailles procède à l’image d’un ascenseur émotionnel, entre optimisme et pessimisme.
En bref ! Un père abandonné qui ploie sous la pression, totalement désemparé par l’ampleur de la tâche. Nos Batailles est une habile et touchante chronique parentale. Un cri de désespoir qui résonne face à la complexité du rôle monoparental. Guillaume Senez expose la dureté de la vie, dans sa forme la plus sincère, bien aidé par un Romain Duris magistral.
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Commentaires
« Père courage »
Chef d’équipe dans l’entrepôt glacial d’une grande entreprise de commerce en ligne, Olivier ne compte pas les heures pour défendre ses collègues et subvenir aux besoins de sa famille. Quand on l’appelle un jour pour aller chercher ses deux enfants à l’école, il s’inquiète. Laura, sa femme, ne répond plus. Elle est partie.
« A ce soir ? », lui demande Olivier, comme pour se rassurer. Un baiser sera sa seule réponse. A son retour, la maison est vide, tout comme la garde-robe de Laura. Où est-elle ? Pourquoi les avoir abandonnés ainsi, lui, Eliott et Rose ?
D’une justesse rare et touchante, le film évoque ces luttes quotidiennes de femmes et d’hommes qui n’y arrivent plus, écrasés par un poids trop lourd, qu’il soit celui de l’entreprise ou du foyer. Il faut se battre toujours plus pour conserver son emploi, obtenir des conditions de travail décentes, avoir de quoi s’offrir une existence, élever ses enfants avec soin, continuer à s’aimer.
Pas besoin de longs discours pour faire passer le message. Les scènes elliptiques s’enchaînent vite et avec cohérence. La violence est douce, sans mélodrame ni misérabilisme. Dans le rôle du père courage qui apprendra de ses erreurs, Romain Duris grandit, aidé par des partenaires à la hauteur – Dominique Valadié, Laure Calamy, ainsi que l’inimitable Laetitia Dosch. Grâce à eux tous, larmes et sourires s’entremêlent.
7.5/10… Voir plus
Dernière modification il y a 6 ans
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