Richard Says Goodbye Etats-Unis 2016 – 91min.

Critique du film

Ce mal qui nous ronge

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Présenté au Festival de Zurich en 2018, Richard Says Goodbye trouve enfin le chemin de nos chères salles romandes. Johnny Depp y incarne un professeur d’université en proie à un départ précipité.

Émérite professeur d’université, la vie de Richard (Johnny Depp) est chamboulée lorsque son docteur lui révèle son cancer. Au seuil d’un départ précipité, il faut accepter son sort et dire au revoir à ses proches, à sa jeune fille (Odessa Young) qui découvre l’amour, à son épouse (Rosemarie DeWitt), une artiste qui entretient une liaison avec le doyen de l’université, et à son meilleur ami (Danny Huston), lui aussi professeur. Le compte à rebours est lancé, il devient urgent de vivre, et tout part à vau-l’eau (ou presque).

Après Katie Says Goodbye en 2016, le réalisateur Wayne Roberts congédie cette fois Richard (Johnny Depp), émérite professeur d’anglais, alors que son médecin lui annonce un diagnostic glaçant. Lové dans les méandres de la maladie; l’urgence de vivre à 6 mois de la grande clôture. Découpée en chapitres, sa vie défile, et plus rien importe plus, ni l’éthique, ni la morale, ni les brides d’un mariage épuisé. Les bonnes mœurs au placard, le vent se lève et il faut tenter de vivre, une dernière fois.

Increvable vampire hollywoodien, Johnny Depp incarne ce personnage avec retenue et une verve professorale convaincante. Une performance joliment passe-partout quand elle n’est pas touchante. Accompagné des excellents Danny Huston, Rosemarie DeWitt et Odessa Young, ou face à ses élèves, Richard, et alors qu’il refuse son traitement, retrouve un peu du «Carpe Diem» invoqué par les poètes disparus de Robin Williams en 1989. Richard chatouille un gentil fantôme, le meilleur peut-être.

Confronter à la mort, Richard Says Goodbye a quelque chose d’une initiation, d’un rite de passage. Cueilli dans ses rangs, le professeur n’est plus. C’est à lui d’apprendre à valser avec la mort pour s’en faire une alliée, et ainsi se libérer du fardeau insoutenable du monde d’après. Richard Says Goodbye est la fable déchirante d’un homme promis au néant, ou celle d’un homme que la mort ramène à la vie. Sans renouveler le genre, Wayne Roberts offre un bel objet de cinéma. Le réalisateur questionne le sort et la finitude, et Johnny Depp se fait l’instigateur d’une longue marche vers les ténèbres.

Vivre! Mourir! Dormir! Et rien de plus. Une fable déchirante, universelle, et il manquera peut-être au métrage un pas de côté pour nous réconcilier avec la mort (Ou la vie? On ne sait plus!). Peut-être que Richard Says Goodbye se pose de manière un peu trop abrupte sur nos angoisses. Le cœur vacille et le film taquine. Wayne Roberts semble poser une question à laquelle lui-même ne peut répondre, là où le récent The Farewell de Lulu Wang avait une respiration sublime face au drame: le «bon mensonge» au profit d’une réalité cruelle.

«Ta fille est amoureuse» entendra-t-on «Tu lui as dit de faire attention? Je lui ai dit d’en profiter.». Alors c’est donc ça! Wayne Roberts parle de la vie quand il parle d’amour, et le métrage avance lui-même dans la retenue. Celui qui s’est endormi se réveille face à la mort, maladroitement, titubant. La véritable tragédie serait alors l’inexorable écoulement du temps, et les amants, dans sa robe, désunis. Face à l’inéluctable, nous aurions aimé apprendre à rire et de bon cœur!

20.02.2024

3.5

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