Sibel France, Allemagne, Luxembourg, Turquie 2018 – 95min.
Critique du film
En quête d’identité
C’est lors d’un voyage en Turquie que le couple de réalisateurs franco-turc Guillaume Giovanetti et Çagla Zencirci a découvert l’existence d’une langue sifflée pratiquée par les habitants d’un petit village. De là est né Sibel, leur troisième long-métrage, qui retrace l’histoire d’une jeune femme muette communiquant uniquement par le biais de ce langage. Présenté au festival de Locarno en 2018 où il a reçu deux prix, le film aborde la thématique de l’exclusion avec beaucoup de justesse.
Sibel relate avec habileté le combat de cette jeune femme marginalisée qui cherche à s’épanouir malgré la barrière du handicap. Si son mutisme est associé à un porte-malheur par la communauté, il lui a tout de même permis de gagner en indépendance et d’évoluer à l’écart des traditions matrimoniales qui régissent le village. Hautement symbolique, sa traque du loup n’est finalement qu’une quête d’identité qui doit lui permettre de trouver sa place au sein de cette société qui la rejette.
A la fois sauvage et fragile, Sibel doit beaucoup à la magnifique interprétation de Damla Sönmez. L’actrice a d’ailleurs passé du temps à apprivoiser cette langue sifflée ancestrale dont les dialogues à l’écran sont authentiques. Et si le spectateur lambda peinera à distinguer les différents sons, il sera surpris et fasciné par la puissance et l’intensité du jeu de la comédienne qui parvient à transmettre ses intentions d’un simple regard, rendant parfois les sous-titres presque obsolètes.
En optant pour une mise en scène plutôt sobre, les réalisateurs ont ainsi choisi de privilégier leur scénario et leurs personnages. Si tous ne bénéficient pas du même traitement, on apprécie particulièrement le soin qui a été apporté au personnage du père (Emin Gürsoy), fière de sa fille aînée et loin d’être la vision caricaturale du patriarche turc souvent représentée à l’écran. Mais la vraie surprise demeure sans doute dans la rencontre inattendue entre Sibel et le fugitif Ali (Erkan Kolçak Köstendil). Se sentant tous deux exclus, ils vont pourtant très vite se comprendre et entrer dans un jeu de séduction qui va notamment permettre à Sibel d’embrasser pleinement sa féminité. En bref !
Portrait d’une femme marginalisée qui se bat contre des forces intérieures et extérieures, Sibel raconte surtout l’histoire de l’affranchissement et de la renaissance d’une héroïne hors-cadre qui va se réapproprier son existence. Une quête d’identité sincère portée par la sublime performance de Damla Sönmez qui crève l’écran d’un bout à l’autre.
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