Bacurau 2019 – 131min.

Critique du film

La revanche des inconsidérés

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Kleber Mendonça Filho, l’habitué du Festival de Cannes, s’était distingué avec Aquarius en 2016. En 2019, place à un tout autre registre, celui de la dystopie. Une envie d’un autre genre de cinéma, d’une nouvelle résonance politique et narrative. Bacurau, un virage à 180 degrés.

Disparu de Google Maps, rayé de la carte comme des malpropres. Le village de Bacurau, en plein deuil de sa matriarche Carmelita, morte à l’âge de 94 ans, se rend compte que le réseau a disparu, que leur petit pan de terre n'apparaît même plus sur les écrans radars. Les habitants n’existent plus, des fantômes errants. Pourquoi?

Un western moderne dans le fin fond du Brésil, dans un futur proche. Récit à couteaux tirés, politisé par-dessus le marché. Un retour en arrière, où il est possible de supprimer d’un coup d’un seul une population qui dérange. Bacurau est le petit village qui dérange, assiégé par des drones inquiétants, là, au milieu des champs arides et des petites maisons montées à la hâte. Des habitants, un coin reculé comme «terrain de jeu» pour une bande d’Américains dirigée par un Udo Kier au regard profondément inquiétant, d’un bleu électrique. Le détonateur d’une violence froide, cruelle.

Histoire débridée, difficile à cerner après plusieurs minutes. Un panel de personnages, une femme (Bárbara Colen) de retour au bercail pour rendre hommage à Carmelita; ou encore une doctoresse peu sympathique interprétée par Sônia Braga (Aquarius). Une longue enquête pour comprendre pourquoi Bacurau a disparu de la carte, un politicien avide et exécré par la population pour avoir posé un barrage, rendant l’eau rare dans la région. De petits détails qui nous amènent vers une violence inattendue, crue, glaciale. Filho propose une œuvre explosive et politisée pour servir cette violence qui se terre au milieu du sertao brésilien. L’avenir ne réserve que férocité gratuite et règlement de compte pour Filho. Terminé les Droits de l’Homme, l’être humain est en totale déconnexion de la réalité.

Bacurau est ce film à l’instinct, cherchant à conter une agressivité toujours plus exacerbée au Brésil. L’expression physique a dépassé l’expression du verbe. Le prisme de la dystopie pour évoquer une diatribe politique, non-dénuée de réalisme. La sensation de voir un Westworld débarrassé des artifices virtuels nous traverse l’esprit, sans évoquer la position de l’Homme face au déchaînement gratuit, mesquin. C’est précisément là que Bacurau tergiverse, au milieu d’une rage politique, mais vide de réflexion sur le fondement même des intentions d’hommes aux besoins primaires, aux envies détestables et désireux d'asseoir leur virilité.

En bref!

Western moderne, aride, construit pierre par pierre pour un dénouement en forme de feu d’artifice. Kleber Mendonça Filho réussit une belle mise en scène, sans convaincre sur le développement des véritables bases de son récit. De plus, la durée excessive du film ne fait que freiner une lente et parfois agonisante mise en place.



25.09.2019

2.5

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