Brooklyn Affairs Etats-Unis 2019 – 144min.

Critique du film

L’avidité et le mépris des arcanes du pouvoir

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

Dans les années 50, dans un quartier de Brooklyn appelé à être revitalisé par l’administration municipale en rasant des immeubles vétustes, Lionel Essrog enquête sur le meurtre de son ami, Frank Minna. Une œuvre savoureuse signée Edward Norton et tirée du roman de Jonathan Lethem.

New York, les années 50, et son élégance de rigueur. Le coup d’œil dans le rétro peut vite refroidir: Lionel Essrog (Edward Norton), détective atteint du syndrome de Gilles de la Tourette, s’enfonce dans les tréfonds d’une ville noircie par la pauvreté et la corruption, pour enquêter sur le meurtre de son unique ami Frank Minna (Bruce Willis). Les conséquences sont plus grandes, les révélations peuvent même avoir des répercussions sur la ville de New York. Lionel met le pied dans une affaire au trouble opaque, pour laver l’honneur de son ami, son mentor de toujours.

Traverser la bataille de Guadalcanal sans même une égratignure, et laisser sa peau dans une rue dérobée du Queens. C’est le destin tragique de Frank Minna, détective privé. Retraité des champs de bataille, désormais fouineur des rues malfamées new-yorkaises. L’homme gère un petit bureau nommé le L&L, où se trouvent son poulain Lionel Essrog, Danny (Dallas Roberts), Gilbert (Ethan Suplee) et Tony (Bobby Cannavale). Quand Frank disparaît, les 4 hommes découvrent les pièces d’une magouille toujours plus étendue, toujours plus dangereuse. Lionel, obsédé par l’affaire, va s’enfoncer et se lancer droit dans la gueule du loup, dans un Brooklyn à la violence sous-jacente, à la noirceur stylisée et si incertaine.

Thriller noir aux teintes vintages. La corruption en porte-étendard, la justice et la vérité comme bouclier. Brooklyn Affairs est ce film maîtrisé de bout en bout, où la reconstitution d’époque nous emmène dans ces folles percées nocturnes, dans ces clubs de jazz, ces diners ouverts jour et nuit. Edward Norton, en adaptant le roman de Jonathan Lethem publié en 1999, ne se prive pas de citer Chet Baker, citant Emerson au détour d’une conversation. Les lignes de saxophone, rappelant étrangement les envolées psychédéliques de Colin Stetson, nous tirent par le col pour filer à travers le Harlem d’antan, ses quartiers pauvres et ses vieilles voitures aux 4 coins des rues. Norton ne lésine pas, tant techniquement qu’artistiquement. De son travail d’écriture à son jeu impeccable, crédible et poignant dans son malaise physique, Norton dépeint un Brooklyn en ébullition, cadrant la folie des grandeurs d’un homme avide de pouvoir, un bâtisseur infatigable: Moses Randolph (Alec Baldwin). Le mépris des arcanes du pouvoir pour la plèbe. Une radicalité s’en dégage, suintant la pauvreté et les corruptions à plein nez, où la mort sourde rôde.

Norton et son casting brillant, d’un Baldwin détestable à «l’assurance tout risque» Willem Dafoe, en passant par la grâce de Gugu Mbatha-Raw, comble les errances d’une histoire, parfois confuse, sans pour autant perdre les ficelles de son intrigue. Brooklyn Affairs prend son temps, une lente découverte d’une magouille à grande échelle, où les hautes sphères sont trempées jusqu’au cou. Norton cible et laisse la vérité s’avancer timidement, délicatement. Les dernières séquences, tout spécialement ce dernier face-à-face avec Moses Randolph, exposent le mépris de la haute société pour les plus démunis. Une belle fresque.

En bref!

Le visage toujours plus creusé, le teint toujours plus blafard, Edward Norton réussit à dépeindre une intrigue ficelée, un thriller noir aussi maîtrisé que poignant. Et même si le milieu de l’enquête peut s’avérer confus, la dernière partie rassemble les pièces pour brosser le portrait d’une ville suintant la corruption et l’avidité.

02.12.2019

3.5

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Commentaires

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marylou_allenspach

il y a 4 ans

Un petit bijou. Le régal de Noël ♥


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