O Que Arde France, Luxembourg, Espagne 2019 – 90min.

Critique du film

Et la Galice s’embrase

Camille Vignes
Critique du film: Camille Vignes

Oliver Laxe est habitué du Festival de Cannes où il a présenté Vous êtes tous des Capitaines (prix FIPRESCI de la Quinzaine des réalisateurs en 2010) et Mimosas : La Voix de l’Atlas (grand prix NESPRESSO de la Semaine de la critique en 2016). Cette année, il y a présenté Viendra le feu, son nouveau long-métrage intense et lyrique, distingué par le prix du jury d’Un Certain Regard.

Avec Viendra le feu, Oliver Laxe entremêle le destin tragique des paysages méconnus de la Galice et l’histoire compliquée d’Amardo, un homme taciturne libéré après deux ans de prison. Pyromane accueilli par sa mère sans questions superflues, Amardo est marqué au fer rouge par la société; au mieux ignoré des villageois, au pire moqué. Peu à peu, il se fond dans un quotidien paysan, accompagnant les trois vaches de sa mère paître dans les champs.

Sous les pluies diluviennes de la Galice, derrière des lignes de dialogues minimalistes, le feu reste contenu. Il est tapis dans l’ombre, attend son tour, laisse le mouvement des saisons imprégner les spectateurs, créer de l’émotion. Quand finalement vient l’été, l’incendie se déclare. Le réalisateur évoque alors la petitesse de l’homme face à la nature et tente de l’ouvrir à d’autres sentiments (le pardon, la miséricorde)… il stylise l’incrédulité et la rage qui l’envahissent à chaque fois qu’un feu se déclare dans sa région natale, la Galice.

C’est par un prologue dramatique et saisissant que s’ouvre Viendra le feu. Émaillant la nuit de saillies lumineuses, les phares de bulldozers annoncent la fin des arbres. Ils percent la forêt, abattent sans réfléchir, accompagnés du craquement sinistre des eucalyptus qui tombent et qui se meurent et du magnifique Cum Dederi de Vivaldi. Derrière cet affrontement se cache un discours bien plus grave, qui ne peut être compris qu’avec la fin du film. Avec la puissance destructrice du feu, qui ravage tout sur son passage. Les hommes peuvent s’arrêter, savent s’arrêter. Ils arrêtent d’ailleurs leurs bêtes de métal devant la beauté stupéfiante d’un vieil eucalyptus. Le feu, lui, se propage et peine à être contenu. Et il est bien plus simple pour la société de juger coupable un homme et de le diaboliser que de s’en prendre aux grandes puissances qui grignotent peu à peu la nature.

Après avoir laissé notre regard se perdre dans les grandes étendues vertes galiciennes, le feu redonne son corps à une narration minimaliste. La sécheresse du récit vole en éclat avec l’arrivée des flammes. Alors que la caméra s’était faite contemplative, flirtant avec le style documentaire dans la manière de présenter la vie simple des habitants de la Galice profonde, elle opère un vrai tour de force en capturant les flammes. Comme les phares des engins dans la séquence d’introduction, le feu vient éclairer la nuit d’une beauté scandaleuse et offre une danse hypnotique.

Oliver Axe a avoué avoir eu envie de filmer «un coït entre les éléments, le feu et l’eau, les arbres, la fumée». Mais au-delà de cette fusion, la souffrance de son personnage principal fait corps avec celle de la nature. Elle est aussi abrupte que le paysage désolé qui reste après le feu. Ce personnage tout en contradictions, sombre quand il s’agit des hommes et lumineux avec la nature, garde en lui tout son mystère, et le film ne dira jamais s’il était coupable ou innocent.

En bref!

Oliver Laxe filme le temps qui passe, les saisons qui s’enchaînent. Il emprisonne sa Galice natale, sublime sa beauté intemporelle. Mutique, Amador est à l’image des arbres, incapable d’exprimer ses sentiments. La narration est abrupte, difficile par moment et en rebutera plus d’un, mais en trois séquences grandioses, l’ouverture, celle de l’incendie puis du paysages désolé qu’il laisse derrière lui, le réalisateur réussit à montrer toute sa virtuosité.

30.01.2020

3.5

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