Roubaix, une lumière France 2019 – 119min.
Critique du film
Polar à la douce brutalité
Présenté sur la Croisette en mai dernier, Roubaix, une lumière traverse une ville de Roubaix à l’agonie. Arnaud Desplechin dessine un polar saisissant, sans la moindre violence, porté par un Roschdy Zem à la force tranquille et charismatique.
Claude (Léa Seydoux) et Marie (Sara Forestier) : deux femmes, amantes, alcooliques, toxicomanes. Les fêtes de Noël enlacent la ville de Roubaix. Pas d’effusions d’amour, pas de repas joyeux, mais bien une affaire de meurtre. Aux commandes de l’enquête, le capitaine Daoud (Roschdy Zem) et son nouveau venu, fraîchement diplômé, Louis (Antoine Reinartz). Les deux acolytes se penchent sur le meurtre de Lucette, une vieille dame assassinée.
Roubaix a vécu un temps glorieux. Il est désormais derrière. La belle époque n’est plus, tout comme les maisons de brique rouge tombées en ruine. Les fantômes d’une période dorée, des personnages persévérant en silence, voyant leur vie se désintégrer en plein vol. Arnaud Desplechin, qui doit-on le rappeler est originaire et très attaché à sa ville de Roubaix, la filme avec minutie, se désintéresse de la violence qui aurait pu (dû?) en découler. La violence n’est pas physique, elle est sous-jacente, vicieuse, comme ce passé qui vous entraîne vers les sentiers de la tristesse. La souffrance se lit avant tout sur les visages, sur ces faciès presque décharnés. Les gestes sont lasses. Roubaix opère comme un tombeau pour les âmes.
Roubaix, une lumière possède cette force romanesque, un polar à la noirceur remarquable, à la profondeur des âmes. Le décor proposé, ce commissariat, ces maisons, ces rues presque désertes; il y a une lente solitude qui s’installe, un lieu perdu dans un présent maussade, enlisé dans un passé difficile à exprimer. Daoud incarne cette solitude, animé par un calme olympien. Une âme brisée, semble-t-il, qui refuse d’évoquer son passé, délaissée par sa famille repartie en Algérie. Mystérieux, solitaire. Hormis de petits détails sur des frasques de jeunesse, rien ne filtre. Roschdy Zem le campe habilement, l’habite de tout son charisme. Léa Seydoux et Sara Forestier sont aussi intéressantes. Un couple formé par la force des choses: une femme populaire le temps du lycée (Seydoux), belle et courue par les garçons; l’autre (Forestier) est son contraire, reléguée dans le fond de la classe, silencieuse et solitaire. La boisson et les produits illicites ont poussé deux femmes à la dérive, acculées par l’âpreté de la société à se retrouver pour souffrir à l’unisson. Elles sont comme Roubaix: la beauté de la jeunesse, l’insouciance a laissé place à la désolationEn bref!
Le réalisme et la noirceur pour éteindre cette petite lumière qui se bat pour briller. Arnaud Desplechin filme à la perfection des visages aux traits tirés, cernés par la fatigue. Roubaix se dresse tel un cimetière d’âmes. Et même si la violence est inexistante, même qu’il est question de meurtre, que l’histoire perd en authenticité indéniablement, ce je-ne-sais-quoi fait de Roubaix, une lumière une épreuve brutale derrière les apparences plutôt calmes.
Votre note
Commentaires
Beau, très beau. Touchant, sensible. Interrogatoires incroyables, un peu hors la loi sur le fonctionnement de la garde à vue., mais c'est du cinéma, et c'est tant mieux. Félicitations au Commissaire, magnifique pur-sang. Jeux impressionnant des deux actrices. Un film remarquable.
Excellente reconstitution d'interrogatoires où les deux actrices sont bluffantes de crédibilité et de sincérité. J'ai totalement oublié que c'était des actrices. Ambiance garantie c'est un polar pas comme les autres. A voir. (G-31.08.19)
“C’est pas si beau une ville la nuit”
A Roubaix, la police enquête sur un incendie volontaire. Claude et Marie, deux voisines, témoignent du bout des lèvres. Des jeunes traînant dans le quartier ont certainement fait le coup.
Les guirlandes de Noël scintillent sans réchauffer les cœurs. Dans la nuit électrique, tous les chats sont en crise. Les voitures, les maisons, les visages s’enflamment. Trafic, vol, mensonges et trahisons. Silence, on tue.
Desplechin retourne sur les lieux de son enfance pour en faire une scène de crime. Inspiré de faits réels, son polar se complaît dans cette zone sinistrée. Roubaix, ville d’accueil, rongée par le chômage et la pauvreté. Mais au-delà de la misère crasse surgit des rais de lumière : le commissaire Zem, mélange de douceur et de fermeté, un cheval de course qu’il finit par monter ou les mots choisis de la nouvelle recrue Cotterelle, écrivant à un dieu qui ne lui répond pas.
Cette approche fragmentée construite sur des histoires parallèles séduit beaucoup et revisite un genre très ancré. Plus empesée, la garde à vue s’étire et se dramatise. Elle plaît moins. Malgré son talent d’actrice, Léa Seydoux a trop de classe pour être totalement crédible en marginale.
7/10
twitter.com/cinefilik
cinefilik.wordpress.com… Voir plus
Dernière modification il y a 5 ans
Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.
Login & Enregistrement