Cinquième set France 2020 – 113min.

Critique du film

Cinquième set

Sven Papaux
Critique du film: Sven Papaux

L’étiquette de l’espoir éternel est collée sur le front de Thomas Edison. Le destin de ce joueur de tennis sur le déclin, au crépuscule d’une carrière imparfaite, évoque la difficulté d’un milieu intransigeant: le sport de haut niveau.

Roland Garros comme baroud d’honneur. À 37 ans, Thomas Edison (Alex Lutz) n’en a pas fini avec la petite balle jaune. L’ocre parisien l’a vu grimper très haut avant de dégringoler très bas. Une demi-finale perdue contre Alex Corretja, 17 ans auparavant, reste le plus grand traumatisme de sa carrière. Pour ainsi dire, il n’a jamais réussi à se relever. Et les années passent et pèsent. Mais un sursaut va lui permettre de passer l’écueil des qualifications. Un exploit avant de retrouver le tableau final et le grand espoir du tennis français, Damien Thosso (Jürgen Briand).

On se remémore le duel dantesque à Wimbledon, entre Borg et McEnroe, transposé à l’écran par Janus Metz Pedersen. Place à un nouveau duel acharné, mais cette fois, c’est de la fiction pure. Alex Lutz s’immisce sous les traits d’un espoir déchu, poursuivi par les blessures et par l’amertume. Thomas est fielleux, mais refuse l’aveu d’échec. Il lui faut un duel homérique pour le revoir jouer le meilleur de son répertoire. C’est face à Thosso, le nouvel espoir tricolore, le chouchou des médias, le futur porte-étendard du tennis français; comme un miroir de lui-même des années plus tôt, comme une réminiscence d’une gloire consumée. C’est au fil de ce discours que 5ème set se lit: un sportif teigneux capable de mener une dernière bataille avant de s’éclipser silencieusement.

Derrière le regain de forme, l’envie de montrer aux yeux du grand public qu’il n’est pas fini, il y a une famille, une femme (Ana Girardot) qui lui avait demandé un peu de son temps pour se lancer dans une nouvelle formation. Le sacrifice - ou plutôt les sacrifices - d’une épouse pour son mari de sportif d’élite. La preuve que l’égoïsme et le sport d’élite vont de pair. Dans son nouveau costume de gladiateur, Edison laisse les siens de côté, plus prompt à courir après les petites balles jaunes et les acclamations de la foule. Assurément l’intérêt du film se niche dans les rouages d’une carrière professionnelle et des à-côtés qui calibrent une carrière de joueur.

Alex Lutz, obnubilé par cette rage de vaincre et l’esprit trimardant entre sa fin de carrière et sa renaissance tardive, nous sert une performance solide. L’acteur césarisé pour Guy démontre que son intensité peut sauver un film péclotant et manquant parfois d’une réelle puissance. Quentin Reynaud s’attaque à la face psychologique, en profondeur, réussit à imprimer un rythme et une dramaturgie: le doute qui s’installe, le vide d’un après-carrière tant redouté. Le hic réside dans ce dernier tiers, trainant les talons sur un match final à rallonge. Le 5ème set s’étire un peu trop, mais Reynaud couvre le facteur psychique d’une carrière sportive avec une belle aisance.

20.02.2024

3.5

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CineFiliK

il y a 3 ans

“Balle de match”

Ancien espoir du tennis, Thomas Edison, 37 ans aujourd’hui, végète à la 245e place de l’ATP. Malgré la lassitude et les doutes de son entourage, il veut encore y croire.

La vie d’un déclassé n’a rien d’un idéal. Au-delà de l’usure des matchs et de l’entraînement, sans sponsors pour le soutenir, il lui faut financer les voyages et le matériel, mendier afin d’être accepté dans un tournoi mineur, et prendre le métro pour se rendre au stade. Le retour sur investissement n’est guère intéressant. D’autant que son entourage trinque également : entraîneur vaincu par l’échec et partenaire désabusée face aux absences. Et pourtant, malgré le temps qui passe, les blessures et les défaites, la passion demeure intacte.

Il y a un côté christique chez Thomas, incrédule face au scepticisme de son épouse, de sa mère et des journalistes médiocres qui l’interrogent. Tête basse, genou au sol, la raquette est sa croix, les ampoules, ses stigmates, dont le rouge se mélange à celui de la terre battue. Mais sa quête est égoïste et celui qu’il cherche à sauver n’est autre que lui-même. Si ce n’est frapper dans une balle, il ne sait rien faire.

Alex Lutz s’est plus qu’investi dans le rôle : des heures de pratique et une doublure corps pour certains échanges lui permettent de remporter le set. A ses côtés, les femmes Ana Girardot et Kristin Scott Thomas frappent aussi très juste. La mise en scène finit par nous faire croire à une retransmission télévisuelle, commentaires inclus. De quoi ravir les amateurs de ce sport de combat, même si l’intensité des coups n’atteint jamais un Nadal-Djokovic, et décourager les plus réfractaires. Mais l’on s’amuse en voyant deux Français à Roland Garros jouer leur vie sur un court pour atteindre enfin… un deuxième tour.

(7/10)Voir plus

Dernière modification il y a 3 ans


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