Des hommes Belgique, France 2020 – 104min.
Critique du film
Les séquelles de la guerre gravées dans la peau
Le passé ressurgit et les horreurs de la guerre jaillissent, Des Hommes est le film d’une génération de jeunes français d’une vingtaine d’années marquée par la guerre d’Algérie. Avec son 11e long-métrage et labellisé Cannes 2020, Lucas Belvaux adapte le sublime roman de Laurent Mauvignier.
Bernard (Gérard Depardieu), alias Feu-de-bois, est vieilli, seul, prostré dans sa ferme. L’homme à l’allure imposante se rend à l’anniversaire de sa sœur Solange (Catherine Frot) et fend la foule comme les souvenirs persistants du passé. Les cadavres et les horreurs de la guerre d’Algérie sont encore là, ancrés dans la mémoire, quatre décennies plus tard. Un anniversaire anodin qui réveille d’autres «événements».
Rabut (Jean-Pierre Darroussin) en est de ces jeunes hommes détruits par cette guerre. Spectateur de la chute irrémédiable de son cousin Bernard. De sa voix et à travers son regard triste, Rabut décrit un homme qui a vécu l’enfer. «Je n’ai pas pu te l’écrire, pas pu te le dire» écrit Bernard à sa sœur. La carcasse de Depardieu incarne cette douleur et cette haine, cette voix au milieu de celles qui sont douleur et peine. Des Hommes est un roman sur la guerre, sur des générations de Français qui ont fait la guerre: de Verdun à la résistance durant la Seconde guerre, avant d’en arriver à celle d’Algérie. Un traumatisme qui s’étale et qui déborde sur ces dynasties familiales rompues à la guerre.
«Ils sont tous là, à part les morts» hurle Bernard. Des phrases à la dimension littéraire, encore plus forte que la dimension cinématographique. Mais Belvaux s’abreuve de la prose de Mauvignier - de la voix-off pour donner plus de relief aux personnages - et mise sur la sobriété, sculptant un récit polyphonique et décrivant le déchirement en silence. Pour cerner Bernard, il faudra des retours dans le passé, à ses 20 ans - interprété par Yoann Zimmer -, des voix qui s’entrelacent comme celles de Rabut, Février (Felix Kysyl), Saïd (Farid Larbi) ou de Solange, désemparée par la méchanceté de son frangin. Des paroles timides qui tentent de mettre des mots sur des blessures enfouies, sur l’animalité de l’Homme. Le poids des années n’arrive pas à drainer le poison de la guerre. Des guerres intérieures où le soleil oblique ne peut éclairer les ténèbres de l'âme. Les mots comme seul bouclier, comme dernier rempart avant de basculer dans la folie. Il y a bien l’ivresse pour oublier, mais le vin n’est qu’un châtiment.
Des Hommes est une guerre dans la guerre, un combat sans fin contre les traumas. Un cœur émietté et consumé, Bernard est une âme errante dans le monde des vivants, déversant son fiel pour rappeler qu’il n’est pas qu’un fantôme. Depardieu est parfait, Darroussin aussi, Frot est brillante. Belvaux rappelle la colère et l’écroulement de ces combattants. Un hommage à plusieurs voix et à plusieurs générations perdues.
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Commentaires
“Les blessures assassines”
Sans être attendu, Bernard débarque aux soixante ans de sa sœur cadette et sème la discorde. Ancien combattant, il ne s’est jamais remis de l’Algérie.
Il y a le sang qui coule dans les veines et sur les mains. Des souvenirs qui assaillent et ne laissent plus jamais tranquilles, surtout la nuit. Des secrets qui rongent les âmes tristes par leur silence. Une page d’histoire que l’on cherche à déchirer, celle de ce livre encore ouvert. La guerre a fait de ces enfants des hommes… et des fous.
L’entrée en matière est laborieuse avec un gargantuesque Gérard Depardieu filmé au ralenti. Aviné, enragé, il hurle, titube, entravé par plusieurs villageois exaspérés. Grotesque, la scène déclenche gêne ou rires forcés dans la salle. En retrait, les autres acteurs – Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin – ne peuvent s’imposer. Quant aux plus jeunes, figurant le passé, ils déclament parfois leurs lignes de manière mécanique. On craint plus lourd encore quand la voix off prend le relais afin de compléter l’image.
Et pourtant, c’est ainsi que le film s’élève. Les tessitures des comédiens se mélangent en un chœur polyphonique pour soutenir une narration complexe et ses sauts dans le temps. Le vocabulaire de là-bas n’aide pas toujours à la compréhension. Mais le beau texte, issu sans doute du roman éponyme, touche. Il tente de poser des mots sur les maux, sans parvenir à décrire l’indicible, comme Duras et Resnais qui avaient tout et rien vu à Hiroshima. Face aux blessures assassines, Depardieu, qui reprend couleurs et hauteurs par sa seule voix, énonce : « Je ne peux le raconter ».
(6/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 3 ans
Pour moi c'est un documentaire narré par Depardieu et Darroussin. Je suis allé voir ce film parce que j'aime ces deux acteurs mais je suis déçu car on les voit trop peu, mais bon c'est l'histoire. D'autre part j'ai découvert Yoann Zimmer qui joue Depardieu jeune et qui m'a fait immédiatement pensé à Gabin jeune avec son regard transperçant et parfois glacial. Un acteur à suivre. Sinon je n'ai pas aimé le film. (G13.06.21)… Voir plus
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