La Voie de la Justice Etats-Unis 2020 – 136min.
Critique du film
Un plaidoyer pour exister
Être coupable dès sa naissance juste pour n’être pas né blanc…. Après States of Grace et Château de verre, deux longs métrages peu remarqués, Destin Daniel Cretton s’attaque à un lourd sujet, connu et rabâché et pourtant encore terriblement actuel. Sans concession, en adaptant le livre de Stevenson, «Just Mercy: A Story of Justice and Redemption» sorti en 2014, il offre un pamphlet politique, une œuvre engagée qui ne fait aucune concession et qui s’attaque au racisme institutionnel et systémique qui régnait (et règne encore) aux États-Unis.
Juste Mercy de Destin Daniel Cretton se penche sur le poignant combat de Bryan Stevenson, un avocat afro-américain fondateur de l'organisation privée Equal Justice Initiative, qui toute sa vie s’est battu pour les condamnés et les prisonniers plus pauvres, ceux qui n’ont jamais eu le droit d’avoir une défense digne de ce nom parce qu’ils n’étaient pas riches ou que leur couleur de peau n’était pas la bonne. Just Mercy raconte l’un de ses combats, l’un des premiers sur lequel il s’est cassé les dents pendant de longues années avant d’obtenir gain de cause. Un combat sordide visant à faire reconnaitre l’innocence d’un homme, Walter McMillian, accusé sans preuve du meurtre d’une jeune fille et attendant sa fin dans le couloir de la mort.
Comment dépeindre une histoire aussi injuste que difficile? Comment raconter, 30 ans après les faits, une Alabama gangrénée par les violences interraciales? Deux questions simples, terriblement actuelles et tellement dérisoires face à un système judiciaire sans foi ni lois, plus mué par sa peur que lui inspire l’autre que par le soucis de rendre justice avec impartialité. Deux questions tellement naïves face à l’histoire américaine, à son lourd passé esclavagiste et à ses lois ségrégationnistes qui, bien qu’abolies, innervent encore le pays. Deux questions innocentes comparées à celles que n’importe quel spectateur du film a dû se poser. Comment est-il possible de traiter tout une communauté de la sorte? Comment un système tout entier, de ses gardiens de la paix aux juges du comté, en passant par son shérif, peut-il être autant gangréné d’injustes idéaux raciaux?
Si le schéma narratif emprunté par Destin Daniel Cretton est pour le moins classique, que sa caméra ne se permet jamais d’envolées lyriques et qu’il ne joue jamais sur des effets de pathos, c’est pour mieux laisser place au propos. À la réalité crue qui se cache derrière les barreaux. Car au-delà de la stigmatisation raciale, Just Mercy expose avec brio toute la perversité d’un système plus enclin à faire perdurer des mœurs amoraux qu’à rendre justice. Plus enclin à accuser et jeter en prison comme en pâture aux lions un innocent, qu’à mettre derrière les barreaux un véritable meurtrier. Plus enclin à torturer d’autres prisonniers et à construire un dossier sur des mensonges qu’à garantir la sécurité de ses citoyens.
Avec un sujet aussi lourd, mise en scène et réalisation peuvent bien se faire oublier. Elles auraient pu ajouter une lourdeur bienvenue au récit en se permettant plus d’excentricités, mais ce qui leur fait défaut s’oublie facilement. D’abord grâce au propos du film qui, en racontant l’histoire de Bryan Stevenson transcende les questions raciales. Just Mercy offrant un véritable plaidoyer contre la peine de mort en confrontant le spectateur par une longue et insoutenable séquence à la vérité de la chaise électrique. Une séquence d’autant plus glaçante qu’elle est souvent absente des écrans. Ensuite grâce à la justesse de l’interprétation de ses deux personnages principaux, Michael B Jordan et Jamie Foxx. Respectivement dans les rôles du jeune avocat plein de rêves et de convictions et de l’homme innocent condamné à mort, ils offrent ensemble une partition sincère, humaniste, terriblement touchante. Enfin grâce au travail sonore. Si visuellement le film ne brille jamais, il construit une ambiance sonore profonde, toute en silences accusateurs et lourds de sens. En bref
Malgré sa réalisation classique, Just Mercy est une œuvre forte, qui imprègne immanquablement le spectateur et le suivra plusieurs heures après son visionnage. Il rappelle que le racisme institutionnel accuse encore aujourd'hui sans savoir, met en lumière un système judiciaire américain à deux vitesses, qui existe toujours. Un système ou pauvreté n’est pas le contraire de richesse, mais celui de justice.
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Commentaires
“A l’ombre de la haine”
Avocat idéaliste et talentueux, Bryan Stevenson renonce à une carrière lucrative pour aider les plus démunis. En Alabama, il reprend à son compte l’affaire Walter McMillian, Noir trop vite condamné pour le meurtre d’une jeune fille blanche.
Certes, le film ne possède pas la force émotionnelle de la Dernière marche de Tim Robbins ou le spectaculaire de la Ligne verte de Frank Darabont. A l’image de son héros du quotidien, campé avec sérieux par Michael B. Jordan, il avance son propos loin du sensationnel, préférant le hors champ pour la scène la plus violente – une exécution à la chaise électrique. Basé sur des faits réels et des figures existantes, il dénonce avec dignité l’iniquité de certains tribunaux américains aveuglés par un racisme encore ambiant. Enquêtes négligées, faux témoignages et malversations broient l’innocence des plus faibles, les envoyant hanter les couloirs de la mort. A l’ombre de la haine, ce réquisitoire en ressort grandi.
7/10
twitter.com/cinefilik
cinefilik.wordpress.com… Voir plus
MAGISTRAL ! Un biopic puissant . A savoir qu'un condamné à mort sur 9 aux EU est un INNOCENT me révolte totalement. La performance des acteurs est absolument magnifique avec une mention spéciale à Blake Nelson. Un film fort où je suis ressorti avec une envie de hurler ma haine face à l'injustice. (G-14.02.20)… Voir plus
Danse avec le pin
1987, Alabama : Walter, un noir roulant en voiture est arrêté pour le meurtre d’une jeune femme blanche commis devant un pressing et condamné à mort. 1989: Bryan Stevenson, un jeune avocat noir fraîchement diplômé de Harvard et désireux d’aider des innocents à obtenir justice, se présente à lui au couloir de la mort en étant persuadé de son innocence. Il faut maintenant convaincre les tribunaux blancs.
Le voici donc ce nouveau plaidoyer contre la peine capitale. Après de brillants précédents comme la ligne verte ou le droit de tuer, l’hommage rendu à Stevenson était tout trouvé en cette année électorale. Il est quasiment irréprochable.
La musicalité nous berce et, en contre-partie le monde sauvage et raciste: une situation moult fois évoquées qui pouvait au début nous faire craindre un classicisme absolu. On n’y échappe pas toujours avec certaines séquences sans doute romancées au sens littéraire, mais le point important du film est de rappeler que, normalement, tout individu est égal devant la Loi. Si c’est le cas pour celle du Seigneur, ça ne l’est visiblement pas au sens juridique.
Une performance générale de haut vol avec me concernant un gros coup de cœur pour Tim Blake Nelson; dont les courtes apparitions s’avèrent marquantes, que ce soit sur un plan acteur mais surtout sur le rôle primordial joué par son personnage.
Et si l’on peut rechigner sur un petit manque peut-être réel quand à l’issue, on ne regrette pas cette plaidoirie apaisée uniquement par une séquence arborée magnifique, très significative de Walter.
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