Le sel des larmes France, Suisse 2020 – 100min.
Critique du film
Le récit hors du temps de Philippe Garrel
À 71 ans, le réalisateur Philippe Garrel s'est offert une entrée dans la sélection officielle du festival berlinois, Le sel des larmes ou les pérégrinations amoureuses du jeune ébéniste Luc. Un récit passéiste, hors du temps; une très curieuse prestation.
(Berlinale 2020)
Jeune apprenti ébéniste, Luc (Logann Antuofermo) travaille avec son père dans sa bourgade natale, et alors qu'il monte à Paris pour passer le concours d'entrée de la prestigieuse école Boule (et exaucer le vœu de son père), Luc fait une rencontre, Djemila (Oulaya Amamra). Furtive et adolescente, l'amourette ne peut durer, d'autant que Luc est rentré dans l'attente des résultats, et qu'il retrouve chez son père une ancienne compagne. Dès lors s'entame une réflexion sur la jeunesse et l'amour, en trois tableaux: Djemila, Geneviève (Louise Chevillotte) et plus tard, Betsy (Souheila Yacoub).
Dès son entame en gare de Paris, montée sur quelques notes de piano, Le sel des larmes s'expose comme une vieillerie lestée des souvenirs d'un cinéma lointain. Philippe Garrel revient à ses premières amours, un style dépouillé (lacunaire?), refusant la frénésie moderne, en noir et blanc, aidé du suisse Renato Berta, le réalisateur continue comme un puriste ses études anthropologiques. Le sel des larmes entrecroise l’amour et les relations filiales dans une volte pantoise. Si les premières lignes de dialogues nous ramènent à la Nouvelle Vague, évidemment, la voix off, et Paris aussi, l'écriture du scénario est d'une inconsistance terrifiante, pire sa vision de la jeunesse nous enrage.
Lorsque le film s'octroie une audience internationale dans un festival de cette ampleur, et chaparde à la jeunesse, à laquelle il tente de rendre hommage, la possibilité de briller, on s'étonne du film de Philippe Garrel; un film d'une suffisance accablante lorsqu'il nous rabâche la simplicité des choses de la vie, la légèreté comme une proposition poétique toujours délicate, oubliant même la composition de ses plans. Et des effets de style à n'en plus finir, une prose d'une mièvrerie adolescente.
Et tout devient très accessoire, la nudité décomplexée de ses deux actrices sous la joute du réalisateur vieillissant, le pathos du pauvre Luc incapable de maintenir une relation, et qui ne cesse de rabaisser ses conquêtes d'une verve paternaliste irritante, et il faudrait l'excuser? Le pauvre cherche l'amour, à l’aveuglette, blessant çà et là, refusant sa paternité accidentelle; sorte de loser faussement bohème qu'une iconographie romantique à la française devrait excuser. Seule peut-être la figure du père interprétée par André Wilms émeut, mais à Berlin, le réalisateur, avec son film, s'est posé loin de son époque, comme aliéné du monde et de ses contemporains.
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