Apples Grèce, Pologne, Slovénie 2020 – 90min.
Critique du film
Waiting Around to Die
Au milieu de notre pandémie à nous, il est un autre drame qui sévit ailleurs : une épidémie d’amnésie dans l’imaginaire particulier du réalisateur Christos Nikou. En Grèce, la grande faucheuse de l’oubli frappe au hasard, en découle une fable psychologique étonnante. Premier long-métrage de son réalisateur, il témoigne d’un joli parcours en festival notamment à Telluride, à la Mostra de Venise et à Zurich en 2020. Belle curiosité.
En Grèce, une épidémie d’amnésie fait rage. Hommes ou femmes sont soudainement frappés par l’oubli jusqu’à perdre les racines de leur existence. Aris (Aris Servetalis) s’assoupit dans un bus pour être réveillé par le chauffeur au terminus de la ligne. Incapable de répondre aux questions, la mémoire s’est effacée. Bientôt transporté dans un hôpital, personne ne semble le réclamer, la famille pourrait être, elle-aussi, atteinte d’amnésie et les progrès pour retrouver la mémoire se font minces. Les médecins lui proposent alors de faire partie du programme «Nouvelles Identités» pour se reconstruire. Alors dans son nouvel appartement, il écoute minutieusement des bandes magnétiques qui lui prescrivent chaque jour des tâches. Et muni d’un polaroid, Aris doit tout photographier pour s’en faire de nouveaux souvenirs.
Premier long-métrage de l’athénien Christos Nikou, le cinéaste invoque les univers dystopiques pour nous conter une histoire sensible sur la mémoire disparue. Que reste-t-il de la personnalité de ceux qui s’ignorent, et comment recréer sur le tard des êtres authentiques? Sans dévoiler l’origine de cette mystérieuse pandémie, ni la vie passée du protagoniste, ni les motivations discutables du programme de réinsertion, Apples se concentre sur l’état comateux et les errances de ses personnages.
Faire du vélo, rencontrer une fille, flirter sans lendemain, s’amuser, l’empathie, la charité… Les bandes magnétiques journalières suivent un cahier des charges existentielles programmatique, finement réfléchi et se confond au souvenir de la télévision orwellienne. Une éducation formatée avec soin, et Aris de s’y astreindre en bon soldat de sa nouvelle identité, toujours une pomme à la main. Elles sont utiles à la mémoire apprendra-t-on du primeur. Errant, absent, contemplatif, Christos Nikou offre un rôle crépusculaire à son compatriote Aris Servetalis. Gauche comme un Keaton, et touchant à la Tati, et le voilà qui colle ses petits polaroids dans son herbier à souvenirs. Dérisoire.
Une fable sur la fatalité, l’identité, la psychiatrie, les amours imaginaires, l’éducation, et le langage; au pays de celui qui doit tout réapprendre, la douce cinématographie de Bartosz Swiniarski marche aux côtés d’un Aris qui se perd, et doucement Apples nous parle des âmes méditerranéennes égarées entre ciel et mer. D’aucuns tenteront sans doute de comprendre les raisons du coma collectif, d’autres se laisseront bercer par la poésie flottante de Christos Nikou. Il faudra apprécier la particularité du voyage.
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