Respect Canada, Etats-Unis 2020 – 145min.
Critique du film
Sobre biopic sur Aretha Franklin
À Locarno, le programme tient d’un savant équilibre : d’un côté, le Festival du Film – et c’est son rôle – permet de découvrir et d’offrir une vitrine à des auteurs peu ou pas encore connus. De l’autre, une partie plus populaire de la programmation, totalement assumée, permet de toucher une plus large audience. Ainsi en va-t-il des films projetés chaque soir sur la Piazza Grande. Cette année, la file d’attente pour la comédie américaine Free Guy, au degré d’inventivité frôlant le zéro, devait faire à peu près trois fois la longueur de celle d’un film comme The Alleys, du réalisateur jordanien Bassel Ghandour, pourtant tout à fait abordable et de bonne facture. Projeté le dernier soir du festival, Respect, biopic sur la vie d’Aretha Franklin (Jennifer Hudson), était programmé pour plaire au plus grand nombre.
Dans une courte capsule diffusée avant la projection, la réalisatrice Liesl Tommy explique que « ce film est un hommage non seulement à la femme, mais aussi à la militante des droits civiques qu’était Aretha Franklin ». Curieux dès lors que les références à l’engagement civique de la chanteuse se fassent si rares tout au long du film. Dee, comme l’appelle sa famille, demande à Marthin Luther King Jr., ami de son père, la permission d’aller manifester dans la rue aux côtés des protestataires « plutôt que de se contenter de chanter pour eux ». Elle soutient Angela Davis, se produit gracieusement lors d’événements caritatifs : ce n’est qu’à la toute fin, sur fond d’images de la vraie Aretha Franklin, que l’on apprend qu’elle a notamment reçu la médaille de la liberté, plus haute distinction américaine pour un civil, en récompense de son engagement civique.
Penser qu’un sujet remarquable va forcément déboucher sur un film du même acabit serait se tromper dangereusement. Biopic hollywoodien aux images léchées et beaucoup trop long (145 minutes), Respect aligne chronologiquement et sans surprise les faits marquants de la vie de la reine de la soul : son talent précoce, un viol (et une grossesse qui s’en est ensuivie) subi à l’âge de 12 ans par un homme inconnu, les relations difficiles avec son chaperon et manager de père ainsi qu’avec son mari abusif Ted White, les « démons », comme les qualifie son entourage, qu’elle devra combattre sa vie durant, son besoin d’indépendance artistique et, finalement, son retour à l’inspiration et au succès avec son album filmé «Amazing Grace», disque de gospel le mieux vendu de tous les temps.
Avant ses débuts au cinéma avec Respect, la Sud-Africaine Liesl Tommy était metteuse en scène de théâtre. Fervente défenseuse d’une plus grande diversité, elle a été la première femme à diriger un casting entièrement féminin à Broadway. Alors que son savoir-faire se reflète dans les costumes et les scènes de chansons, il ne permet pas d’éviter la superficialité. Si le film ne brille ni par son relief, ni par son originalité, il convient en revanche de souligner les performances vocales de la jeune Aretha, jouée par Skye Dakota Turner, et de la chanteuse adulte, interprétée par Jennifer Hudson. Au plus, les fans pourront s’amuser à repérer les inexactitudes par rapport à la vie de la vraie Aretha. Quant aux autres, mieux vaut réécouter sa musique ou visionner ses performances – par exemple le véritable et légendaire enregistrement du concert Amazing Grace tourné jadis par Sydney Pollack et restauré pour le cinéma par Alan Elliott en 2018 – pour redécouvrir la destinée hors norme d’une femme non moins remarquable.
(Critique dans le cadre du 74e Festival du film de Locarno.)
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Commentaires
“La chance aux chansons”
Fille d’un pasteur baptiste, la jeune Aretha impressionne par ses talents vocaux qui enchantent réceptions, églises et ouailles. Elle deviendra avec le temps Aretha Franklin.
Une enfance marquée par un père autoritaire et une mère trop tôt disparue. Un cousin incestueux, des grossesses précoces, un mari jaloux et violent, l’alcool. La gloire, les échecs et les peines d’une diva américaine. Le refrain est connu, Judy et Billie nous ont conté il y a peu une même histoire. Sans idées, la mise en scène scolaire et parfois maladroite n’illumine aucunement ce biopic illustratif qui égrène les années d’une vie. L’ennui guette vite.
Mais il suffit que les notes de ces hits indémodables retentissent pour que les paupières s’élèvent et que pieds et doigts s’animent enfin comme à Broadway. Comme le succès, le plaisir s’est fait attendre. Avant d’être reine, Queen A a longtemps cherché sa voix. Mal conseillée, enracinée dans le gospel et saisie par le jazz, c’est en préférant la soul, entourée de musiciens blancs d’Alabama, que la porte-parole noire gagnera enfin le « respect ». Supreme oscarisée pour Dreamgirls, Jennifer Hudson reprend le micro, interprétant avec cœur et chansons cette artiste majeure.
(5.5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 3 ans
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