Cyrano Royaume-Uni, Etats-Unis 2022 – 123min.
Critique du film
La vérité ou le panache
Ces dernières années, Cyrano de Bergerac a connu une résurgence grâce à des adaptations modernisées de la pièce éponyme, entre inversion des genres, romance lesbienne avec acceptation de soi, et mise en abyme théâtrale. Aussi, le nouveau film de Joe Wright surfe sur le succès de l’œuvre d’Edmond Rostand en proposant une version musicale d’après Broadway.
Dans le nouveau film tant attendu de Joe Wright, et après son passage décevant par Netflix, trois hommes amoureux de la même femme jonglent entre mensonges, désir, poésie et tragédie annoncée par les tambours de guerre. Dans Cyrano, le réalisateur et la scénariste Erica Schmidt reprennent sans innover le déroulé de la pièce originale, avec l’envie de remettre le célèbre drame romantique au goût du jour, y compris les trames souvent occultées. Aussi, la surprise n’en est que plus grande lorsque au début du film, Haley Bennett entonne l’air d’une chanson à seul but expositif pour partager ses tourments de post-adolescente en mal d’amour. En effet, Cyrano est bien une comédie musicale, à l’exception près que la majorité des musiques ne forment jamais un tout homogène avec l’œuvre.
Néanmoins, parmi les éléments réécrits figure aussi l’excellente interprétation de Peter Dinklage, bouleversant dans ce rôle d’action et d’émotion. De plus, avec un Cyrano nain plutôt que porteur d’un nez disgracieux, la portée tragique du héros n’en est que renforcée puisqu’il ne combat non plus les moqueries sur son physique, mais bien la discrimination sur son handicap, dont découle la douleur qu’il cache derrière sa bravoure fanfaronne. Il est alors dommage que le passage d’un média à l’autre n’ait servi à complexifier les autres protagonistes, notamment Roxanne, réduite à tomber amoureuse au premier regard avant de choisir un mari menteur pour échapper à un mariage arrangé. Sans oublier que la figure du Comte de Guiche, courageux antagoniste capable de rédemption, est balayée au profit d’un Duc cruel et manichéen, digne des méchants les plus grossiers d’Hollywood.
Toutefois, le long-métrage tire ses qualités de ses plus grandes failles et inversement, puisque les complaintes et les séquences de rap s’accompagnent de sublimes tableaux composés par la beauté de la mise en scène et de la direction artistique. Aussi, le charme opère lors d’un duel au flambeau, d’un jeu d’ombre et d’un regard échangé entre deux plans ou lorsque les missives volent dans un décor bleuté. Malheureusement, les instants de grâce n’empêchent pas Cyrano de sombrer dans le ridicule, voire de passer à côté de la puissance faustienne de la version théâtrale, notamment dans ses dernières minutes indigentes, où les derniers soupirs sont échangés dans une lumière aveuglante plutôt que dans l’intimité du crépuscule naissant.
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