CH.FILM

Hugo in Argentina Suisse 2021 – 95min.

Critique du film

La fièvre de Buenos Aires

Théo Metais
Critique du film: Théo Metais

Le réalisateur tessinois Stefano Knuchel poursuit son exploration du mythe Hugo Pratt. Après Hugo en Afrique en 2009, nous voilà maintenant en Argentine pour dévoiler une période charnière de la vie du dessinateur, de sa rencontre avec Héctor Germán Oesterheld à son succès, jusqu’à la fin de l’innocence, à l’aube de la trentaine et d’un siècle en pleine mutation.

Du haut de ses vingt-trois ans, en 1950, Hugo Pratt débarque en Argentine alors qu’il rêve d’Amérique. Bientôt happé par la scène culturelle et l’effervescence de Buenos Aires, l’Argentine devient son eldorado. De sa rencontre en 1952 avec Héctor Germán Oesterheld jusqu’à la création de la revue «Frontera», à Buenos Aires, Pratt rencontre son destin. Stefano Knuchel nous emmène dans ce voyage, parsemé des confidences de l’auteur narrées par Giancarlo Giannini et d’enregistrements sonores. Ainsi, la voix caverneuse d’Hugo nous parle d’une époque étonnante, des femmes, du tango, du Che, de Dizzy Gillespie, et d’Eichmann qui s’était planqué là.

Si la vie d’Hugo Pratt fascine, c'est d’avoir épousé la grande histoire de son siècle. Plus jeune soldat de Mussolini et enrôlé de force par son père, il est peut-être l’un des derniers spécimens de la meute romanesque des écrivains-aventuriers. Comme Jack London avant lui, Marina Pratt, sa fille, dira d’ailleurs qu’il avait besoin d’air, d’espace. Fallait-il être un père absent et un mari flottant pour être un grand artiste… En 1991, quelques années avant son décès, le dessinateur s’était confié au micro de Dominique Petitfaux pour un livre : «Le Désir d'être inutile». Des cassettes et des confidences qui prennent vie à nouveau pour éclaircir l'indicible d’un mythe qui ne cesse de fasciner.

Gianni Dalfiume se souvient d’un gentilhomme qui crée sa légende, et Gisela Dester de leur amour d’infortune. Freiné par une mise en images quelque peu accessoire, le documentaire manquera certainement de cet élan «Prattien», ou simplement de cette furie émotionnelle que fut son passage à Buenos Aires. Sans doute un peu trop près de son sujet pour lui donner une autre envergure, Stefano Knuchel dévoile néanmoins une belle enclave, intime et artistique, dans l’œuvre de Pratt et les premières vibrations sociales et historiques de la BD en Argentine avec Oesterheld. De quoi (re)découvrir, sinon offrir aux ami.e.s de «Eternauta», «Corto Maltese», «Sergent Kirk», «Ann de la jungle» et «Ticonderoga» un nouvel éclairage pour retourner naviguer parmi cet «océan de planches» dont leurs auteurs étaient si fiers.

17.11.2022

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