1976 Argentine, Chili, Qatar 2022 – 95min.
Critique du film
Entre portrait de femme et thriller efficace
Présenté à la dernière quinzaine des cinéastes, le premier long-métrage de Manuela Martelli brosse un portrait de femme sur fond de contexte politique délicat dans le Chili des années 1970.
En 1976 au Chili, Carmen (Aline Küppenheim), femme au foyer, prend en main les travaux de sa maison de vacances dans laquelle sa famille vient passer quelque temps. Alors qu’elle se complaît dans sa vie bourgeoise, son quotidien se voit bouleverser lorsque le prêtre (Hugo Medina) lui demande son aide pour soigner en secret un jeune homme (Nicolás Sepúlveda) qu’il a recueilli. Carmen se rend alors compte des temps sombres que traverse son pays.
Après avoir débuté sa carrière au cinéma par le métier d’actrice et réalisé quelques courts-métrages, la Chilienne Manuela Martelli tourne finalement son premier long-métrage en mêlant dans son scénario l’intimité à la grande Histoire. L’écriture fait en effet habilement dialoguer le récit d’une femme bourgeoise cherchant à s’émanciper du carcan imposé par la société à la radicalisation progressive du pays, tombé sous la dictature du général Pinochet en 1973. Ainsi, l’enfermement, l’incapacité d’agir et la peur de sortir du rang prennent une tout autre ampleur, tant sur le plan personnel de Carmen, interprétée tout en subtilité par l’actrice franco-chilienne Aline Küppenheim, que sur le plan national, assombri par une tension politique croissante. C’est précisément cette tension que la réalisatrice parvient admirablement à retranscrire par des jeux de cadres admirablement construits, laissant croire à de possibles espions cachés dans la profondeur de champ, ou encore grâce aux interactions ambiguës entre les différents protagonistes, propices à une atmosphère inquiétante.
Tout n’est cependant pas aussi bien maîtrisé, notamment l’utilisation de la musique qui, si elle surligne nettement ce qu’il se passe à l’écran, le fait de manière bien trop appuyée au point d’estomper la subtilité de la réalisation dans les instants de suspense. Outre ces dites séquences particulièrement réussies, la première moitié du film patine dans son exposition jusqu’à trouver son véritable rythme, malgré quelques belles trouvailles de mise en scène, dont un jeu sur les couleurs évoluant avec le personnage. S’il ne fait pas office de nouvelle révélation en matière de thriller, 1976 a le mérite d’être suffisamment personnel pour ne pas tomber dans la banalité, principalement en raison de ce travail de mémoire sur l’histoire du Chili. Sans être exempt de maladresses, le premier long-métrage de Manuela Martelli laisse donc discerner le talent de son autrice, que l’on espère voir se déployer à l’avenir.
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