Black Panther: Wakanda Forever Etats-Unis 2022 – 161min.
Critique du film
Ni oubli, ni pardon, rien que la vengeance
Tiraillé entre l’héritage de l’acteur et personnage, dont le départ permet aux héroïnes de se complexifier, et les impératifs de production où toute patte personnelle est lissée, Black Panther: Wakanda Forever trouve dans le traitement de la mort de Chadwick Boseman ses plus beaux thèmes, mais y révèle ses pires travers de produit industriel.
Lorsque le roi T’Challa meurt d’une maladie que ne peut guérir sa sœur Shuri , faute de l’herbe-cœur, la princesse du Wakanda se mure dans la culpabilité et la colère, incapable de faire son deuil. Un an après l’enterrement, le pays est plus menacé que jamais : la reine Ramonda devant repousser les attaques des puissances mondiales avides du vibranium, sans pour autant tenir les promesses de coopération faites par son défunt fils. Au fond de l’Atlantique gronde alors une autre nation, Talocan, qui tire également sa puissance du précieux métal. Le dieu K'uk'ulkan alias Namor craint pour la sécurité son peuple et est prêt à tout pour rallier le Wakanda à ses projets de vengeance, quitte à l’anéantir s’il refuse.
Ryan Coogler et son équipe n’avaient pas la tâche facile entre conclure la phase IV de Marvel, proposer une suite cohérente et inspirante, et rendre hommage à leur ami Chadwick Boseman décédé avant le début du tournage. Ils y parviennent partiellement, aidés par une distribution pleine de bonnes volontés, dont certain.e.s se démarquent par leur monologue solennel, notamment Angela Basset et surtout le nouveau venu Tenoch Huerta, parfois magistral dans son costume et son rôle d’anti-héros aux nobles intérêts.
Seulement peu de leçons ont été tirées du premier Black Panther (2018) puisque l’on retrouve les mêmes séquences d’action passe-partout et répétitives, ainsi que les FX inaboutis et hideux qui servent de décors. Les plus de 150 minutes emprisonnent le film dans un récit qui traîne dans les séquences de préparation au combat, et se résout abruptement après un climax qui manque de peu de nous bouleverser. Ainsi, la future « Ironheart » Riri Williams (Dominique Thorne) se trouve dépourvue d’enjeux comme de personnalité et la menace principale, incarnée par la France, est écartée au profit d’un conflit qui rappelle une nouvelle fois celui de Malcolm X opposé au pacifisme de Martin Luther King.
De même idéologiquement, le film est au mieux confus, au pire continue l’apanage du néolibéralisme et repli nationaliste américain, sous couvert de libération d’un peuple noir fictif opprimé, ici nation la plus avancée technologiquement du monde aux ressources convoitées.
Pourtant, Black Panther: Wakanda Forever nous touche dès lors qu’il délaisse les combats pour les dialogues à cœur ouvert entre guerrières, mères, filles endeuillées qui tentent de se reconstruire malgré leurs blessures qui ne cicatriseront jamais. Dans ses superbes séquences sous-marines, en particulier un accouchement et une noyade sublimés par la photo de Autumn Durald Arkapaw et en fort contraste avec le reste des environnements dénaturés, l’œuvre devient inventive, touche à l’anticolonialisme, s’inspire de l’art aztèque pour embrasser une culture et non la dénaturer et repousse ses limites de blockbuster formaté pour nous offrir des scènes enfin fortes et une conclusion qui laisse aux personnages comme au public l’opportunité de faire leur deuil et de prendre un nouveau départ.
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