Les Segpa France 2022 – 99min.
Critique du film
Entre les murs
Fort de son succès en France et du battage médiatique qui l’a précédé, le film adapté de la websérie coproduite par Cyril Hanouna débarque maintenant en Suisse.
À l’écran, ils sont accueillis dans le but d’obtenir des subventions, à la vie, «Les Segpa» débarquent en Suisse car performant dans l’Hexagone. Ainsi, le long métrage, adapté de la websérie produite par Cyril Hanouna, s’offre in extremis une sortie dans les salles helvétiques et la distribution du métrage des cinéastes Ali Bougheraba et Hakim Bougheraba ne manque pas certains écueils, reproduisant presque le schéma que le film tente de dénoncer. Un système qui profite néanmoins à l’éclosion d’Ichem Bougheraba, instigateur, avec son frère Hakim, du scénario dont tout le monde parle et à la barre d’un personnage éponyme.
Ichem incarne Ichem, chef d’une meute que tout le monde abandonne. Modestement SEGPA pour les uns, des crétins ou des racailles pour les autres ; pour mieux les dénoncer sans doute, le film met allègrement l’accent sur les sempiternels stéréotypes associés à ces classes en marge d’un appareil éducatif qui lorgne sur Parcoursup et qui laisse le serpent se manger la queue dans les quartiers Nord. Déchaussés de leur collège, les trublions devront s’intégrer, sinon s’assimiler, au standing de ce nouvel établissement. Leur parcours ne manquera pas d’être haut en couleur et Ichem Bougheraba, carburant surprotéiné de cette comédie hilare, ne rate aucune ligne de dialogues. L’acteur mitraille à un rythme effréné et le génial se mêle à l’irrévérencieux, au régressif, au pataud, au lourdingue, et ce dans une volte supersonique.
Il faudra faire le tri mais, à lui seul, l’acteur sauve un navire que l’agora Twitter avait lynché avant même sa sortie en mer. Car amputé de sa pièce maîtresse, et il faut bien le dire, le film n’aurait que bien peu de choses à offrir : une réalisation programmatique, des personnages secondaires aux (en)jeux un peu faiblards, plus caricaturaux les uns que les autres, et un scénario qui s’approprie d’une manière complètement débridée l’exclusion, le racisme systémique, la difficile cohabitation des communautés, la sexualité en général et la représentation des genres et des corps.
«Les Segpa» déballe finalement 1 h 40 d’une «gastambidonnade» (en référence à Franck Gastambide) qui ne remet jamais son système en question, mais qui, au contraire, s’en sert pour déclencher un rire affranchi. Miroir d’une société française qui, à l’image de la réélection très manichéenne d’Emmanuel Macron, a perdu la nuance des états intermédiaires, l’idée du « bien » s’opposant au « mal », les diplômes, aux SEGPA, et la ville, aux banlieues. Ainsi, faute de choix et en apparence attendrissante, la rédemption des exclus ne passera en réalité que par l’assimilation des schémas du modèle dominant. Une fausse note d’espoir là où des projets associatifs et cinématographiques, comme «Toute la lumière sur les Segpa», proposent des alternatives à ces élèves en décrochage dans la région de Marseille. Alors à défaut d’être un bel objet de cinéma et n’en déplaise à ses détracteurs sur internet, si «Les Segpa» éveille quand même la curiosité, c’est d’être finalement très symptomatique d’un pan de son époque. La sortie du film ayant au moins permis de remettre quelques sujets au clair.
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