La Bella Estate Italie 2023 – 111min.

Critique du film

Un coming of age sensible et sensuel

Critique du film: Marine Guillain

Avec son nouveau film présenté dans la section Piazza Grande au Festival de Locarno, Laura Luchetti dépeint avec douceur et élégance l’éveil à la sexualité et l’entrée dans l’âge adulte.

Ginia (Yle Vianello, vue dans «Corpo Celeste», d'Alice Rohrwacher), 16 ans, quitte sa province pour Turin avec son frère Severino (Nicolas Maupas) et tente de gagner sa vie en travaillant comme couturière dans un atelier de mode. Elle découvre alors le milieu bohème des artistes locaux de son époque (nous sommes sous Mussolini, en 1938). Lorsqu’elle pose son regard sur la grande, belle et libre Amelia (le mannequin Deva Cassel, fille de Monica Bellucci et Vincent Cassel qui fait là ses premiers pas au cinéma, et tourne actuellement pour la série Netflix «Il Gattopardo»), c’est le choc.

Cette dernière est modèle et pose nue pour tous les peintres de Turin. Peu à peu, Ginia va délaisser son quotidien pour découvrir un nouvel univers, guidée par l'hypnotisante Amelia, représentation d’un idéal inaccessible. À elle désormais d’avoir envie de poser pour un peintre, comme son amie qu’elle admire («J'aimerais être regardée, pour qu'on me montre à quoi je ressemble»), tandis que la relation entre les deux jeunes femmes s’intensifie («On n'est pas mieux toutes les deux, sans les autres?»).

Avec «La bella estate» («Le bel été»), présenté sur la Piazza Grande au Festival de Locarno et prochainement sur les écrans romands, la réalisatrice italienne Laura Luchetti adapte le roman éponyme de Cesare Pavese. Réflexion délicate et subtile sur le désir féminin et les conditions sociales de l’époque, le métrage n’est pas sans rappeler parfois l’atmosphère de la superbe série «L’amica geniale» (qui suit deux amies à Naples dans les années 1950). Les deux jeunes comédiennes brillent dans ce «coming of age» emprunt d’une grande douceur et d’une élégance folle (Ah, les décors et les costumes des années 1930!). Dès les premières minutes, on est captés par l'atmosphère qui s’en dégage, nostalgique et poétique. La photographie, parfaite, fait de chaque plan un plaisir pour les yeux.

Il y a peu de musique dans «La bella estate», mais quand elle s’installe, elle donne lieu à des scènes intenses, à donner des frissons. Comme quand, lors d'une fête, la musique d'ambiance est recouverte par «Walzer für Niemand» de Sophie Hunger, alors que Ginia et Amelia sont plongées dans une danse sensuelle, comme coupées du monde. Trop long, trop léché pour cacher un scénario faiblard (C'est ce que l'on a entendu à l'issue de la projection)? Absolument pas. La beauté et la poésie tiennent si fort ce film qu’il aurait pu durer trois heures de plus, on y serait restés.

(Locarno 2023)

02.04.2024

4.5

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