Anora Etats-Unis 2024 – 139min.

Critique du film

La bascule des stéréotypes

Michael Gasch
Critique du film: Michael Gasch

Une tendresse pour les galériens de l’Amérique et la marginalité. À 53 ans, le cinéaste Sean Baker décroche la Palme d’or avec «Anora». Une comédie romantique éblouissante dans laquelle se révèle Mikey Madison.

Anora, elle préfère se faire appeler Ani (Mikey Madison), travaille comme danseuse dans un club de strip-tease de Brooklyn. Un jour, elle rencontre le jeune Ivan (Mark Eydelshteyn), le fils pourri gâté d’un oligarque russe. Comme un éclair, leur rencontre évolue et les deux tourtereaux se retrouvent bientôt à Las Vegas pour se marier. Une nouvelle qui n’est pas du goût des parents d’Ivan qui engagent des hommes de main pour venir freiner les festivités.

Il tournait à l’iPhone («Tangerine» en 2015), et fut un temps le petit prince du cinéma indépendant américain. Après «The Florida Project» (2017) ou encore «Red Rocket» (2021), le cinéaste poursuit son exploration de l’envers de l’Amérique et des êtres lové.es dans les failles du néocapitalisme. La californienne Mikey Madison («Better Things», «Once Upon a Time… in Hollywood») rayonne aux côtés de Mark Eidelstein dans cette fable romantique délurée. Loin du manichéisme auquel d’autres comédies auraient pu nous habituer, «Anora» a cueilli la Croisette.

L'histoire aurait pu ressembler à un film de traque dès plus classiques, or le cinéaste Sean Baker a opté pour une autre approche. Aucune arme à l’horizon, ici, la colère, la violence et la destruction se révèlent avec parcimonie. Les pôles de la négativité s’inversent et les clichés aussi. En témoigne la réaction pour le moins étonnante, loin d’un éclat de rage, de cet homme de main à qui l’on vient de sévèrement casser le nez.

Fil rouge d’«Anora», un humour singulier qui conduit l’ensemble de l’œuvre et apporte un vent de fraicheur. La scission à laquelle nous aurions pu nous attendre entre l’homme de main et les deux amants laisse finalement place à une dialectique étonnante. Porté par des scènes aussi intelligentes qu’inattendues, «Anora» est un régal de chaque instant. Le Jury ne s’y est pas trompé, certainement l’un des meilleurs films vus à Cannes cette année.

(Cannes 2024, adapté de l'allemand)

11.11.2024

4

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

Marc

il y a 5 heures

Excellent film qui sort des sentiers battus, avec de beaux jeux d’acteurs, un rythme continu, des surprises, de l’humour et une réalisation impeccable


CineFiliK

il y a 9 jours

“La grenade”

Quand Anora rencontre Vanya dans la boîte de striptease où elle s’effeuille, l’attirance est réciproque. Si bien que le morveux d’oligarque l’invite à passer la semaine avec lui. Pour le meilleur et pour le pire.

“Pretty woman, walking down the street…” a-t-on envie de fredonner. Si l’on croit encore aux contes de fées en 2024, ceux-ci n’ont plus le glamour influé par Richard Gere et Julia Roberts. Ani, visage atypique entre l’Asie et l’Amérique, ne tapine pas. Mais elle montre ses fesses tatouées et ses seins aux genoux sur lesquelles elle s’assoit à la chaîne. Quant à son pygmalion richissime, c’est un Thimothée Chalamet russe qui joue à la Playstation entre deux séances de baise enfumée. Ce premier jeu de séduction mêlant sexe, drogue et gaspillage de dollars par une jeunesse dorée complètement hors-sol pourrait vite lasser. C’est alors qu’un autre film commence après 1 heure de very bad trip et un mariage coup de tête à Las Vegas qui ne va guère plaire aux parents du fils prodigue. Appelé en plein baptême, le parrain et ses sbires débarquent pour une leçon de cinéma digne de Martin Scorsese ou des frères Safdie. De quoi faire exploser Anora, qui signifierait « grenade » en ouzbek, bien décidée à réaliser son rêve de « f-word » Cendrillon. Dans le rôle, Mikey Madison fuse, elle qui fut carbonisée par Leo DiCaprio dans Once upon a time in Hollywood et ensanglantée dans Scream. La voir escortée par trois gorilles dans la brume de Coney Island est d’un comique rare. Dans la nuit newyorkaise, cette bande de bras cassés en bave autant qu’elle et ne souhaite qu’une chose, retrouver leur femme ou leur grand-mère plutôt que d’affronter la tempête sibérienne. Mais le plus fort dans l’art provocant de Sean Baker, c’est de parvenir en toute fin à nous serrer la gorge, en faisant croire avec un arrière-goût mélancolique que le prince charmant pourrait avoir le regard d’un « violeur » empathique.

(9/10)Voir plus

Dernière modification il y a 9 jours


Nathaliev

il y a 17 jours

J’ai adoré! Les images sont belles, les acteurs sont excellents, les situations dans lesquelles se trouvent les personnages sont souvent très drôles! Je recommande!


Autres critiques de films

Sauvages

Riverboom

Feu Feu Feu

Naître Svetlana Staline