The Substance France, Royaume-Uni, Etats-Unis 2024 – 141min.

Critique du film

Horreur corporelle en profondeur

Michael Gasch
Critique du film: Michael Gasch

Grand spécialiste du body horror, David Cronenberg a plutôt déçu le public cannois avec «Les Linceuls». Mais Coralie Fargeat a consolé les fans du genre avec son nouveau film. Gore et choquant, «The Substance» parvient à aborder avec brio des thèmes actuels de notre société.

Grâce à son émission de sport télévisée, Elizabeth (Demi Moore) a réussi à se faire un nom dans le show-business, au point d’avoir sa propre étoile sur le célèbre Hollywood Walk of Fame. Mais le temps passe et la beauté est éphémère. Maintenant plus âgée, elle est rejetée par le système qui l’acclamait autrefois. Mais alors qu’on lui propose de s’injecter une mystérieuse substance, elle pourrait bien retrouver le chemin des projecteurs. D’abord hésitante, elle accepte et bientôt, il n’y a plus d’échappatoire possible.

À la tombée du jour, les soirées cannoises se parent d’une aura horrifique. En effet, c’est au creux de ces heures tardives que sont généralement projetés les films considérés comme plus “durs”. Ainsi, en 2016, Nicolas Winding Refn présentait son «The Neon Demon» et, en 2022, le grand David Cronenberg débarquait avec «Crimes of the Future». Réalisateur culte, spécialiste des corps poussés à l’extrême, son retour à Cannes avec «Les Linceuls» avait enthousiasmé les fans, impatient.es de découvrir ce que beaucoup pensaient être un nouveau classique de l’épouvante.

Mais c’est «The Substance» qui a fini par prendre le public d’assaut. Projeté en première, un jour avant «Les Linceuls», le film présente un style très proche d’un Cronenberg de la vieille école. Le public s’interroge alors: serait-il possible que les noms des cinéastes aient été mélangés? Mais non, c’est bien la Française Coralie Fargeat qui se cache derrière ce passionnant projet, son deuxième long métrage après «Revenge» de 2017. Et la réalisatrice, aussi scénariste, dose l’effroi avec savoir faire, préférant tout d’abord apporter à son œuvre une certaine profondeur. Ainsi, elle aborde des thèmes substantiels comme la beauté, la vieillesse ou la déshumanisation. Et le résultat est passionnant.

Bien plus qu’un simple enchaînement de scènes typiques du genre “body-horror”, «The Substance» ose creuser son sujet pour offrir de larges interrogations. Des questionnements à double vitesse où se mêle le «Qui suis-je?» individuel à des réflexions plus globales sur nos sociétés contemporaines. En réfléchissant à ses thématiques, la réalisatrice Coralie Fargeat met en place une dualité à la synergie unique! Les instants d'horreur, absoluments perturbants, complètent une œuvre en passe de devenir un classique du genre.

(Cannes 2024, adapté de l'allemand)

04.11.2024

5

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CineFiliK

il y a 3 jours

“Body double”

Ancienne star oscarisée, Elisabeth Sparkle se contente aujourd’hui d’une émission d’aérobic à la télévision étasunienne. Mais quand son producteur lui annonce qu’elle est virée le jour de son cinquantième anniversaire, c’est la chute, puis l’accident. Mais un élixir mystérieux pourrait lui offrir une seconde jeunesse.

L’histoire d’Elisabeth est symbolisée par une étoile. Son étoile qui orne le « Walk of fame » de Hollywood Boulevard. Sa mise en place dorée est honorée par les nombreux flashs des photographes. Ce sont les selfies touristiques qui l’illuminent ensuite. Au fil des ans, les mémoires vont l’oublier. Fissurée par les aléas météorologiques, elle n’est plus qu’un bout de trottoir qu’on écrase sans plus le voir et sur lequel on renverse un hamburger souillé de ketchup cramoisi. Comment briller à nouveau dans cet univers impitoyable où l’on ne demande à une femme que son nom, son âge et ses mensurations ? En s’injectant la substance, essence capable d’exprimer la meilleure version de vous-même.

Le pacte est faustien et la fable évidente. Après un accouchement avec douleur par le dos, Sue naît et prend la place de sa mère matrice. Teint de pêche, lèvres pulpeuses, taille minceur et mamelons bien fermes. La créature est parfaite, prête à baiser la caméra pour plaire à l’Amérique machiste. A condition que la garde partagée de cette existence, une semaine sur deux, soit respectée.

En 2021, à Cannes, Julia Ducournau donnait vie à un fœtus automobile pour remporter une palme en titane. Coralie Fargeat, prix du scénario cette année au festival, pousse les curseurs plus encore dans le rouge. Son cinéma horrifique en appelle à David Cronenberg, David Lynch, Brian de Palma et Stanley Kubrick. Des références écrasantes qu’elle ingurgite et dégurgite sans craindre les effets de manche. La mécanique des fluides est lancée – sueur, matière verte, liquide amniotique, moelle, hémoglobine et quelques larmes. Des éclaboussures que les nombreuses douches ne pourront plus faire disparaître. Entre les piqûres et les points de sutures, les bélénophobiques détourneront le regard. Les amateurs de gore l’apprécieront jusqu’à l’overdose. Malmenée, la chair est triste à en devenir monstrueuse. Dans sa robe bleue, Cendrillon ne sera pas la plus belle pour aller au bal du diable.

Autant d’extravagances et de grotesque pour surligner les diktats d’une société malade encourageant la haine de soi. Les hommes ne sont ici que des Weinstein trumpistes en puissance, quand les femmes, victimes malgré elles consentantes, n’ont pour arme de défense que leur beauté. En misant sur des profondeurs de champs disproportionnées, des très gros plans disgracieux, ou en posant sa caméra au ras du sol, la réalisatrice déforme et écrase ses personnages. Se complaisant dans le vice voyeur, elle découpe ses séances de fitness clipesques comme dans le Call on me d’Eric Prydz. Entre la farce et la caricature, la dénonciation serait quasi vaine si la Française n’avait eu l’idée insolente de rappeler Demi Moore pour incarner le personnage d’Elizabeth. La reine des années 90 est aujourd’hui une sexagénaire hors champ, en dépit d’une plastique chirurgicale réussie. Face au miroir, miroir, c’est son propre portrait qui se dessine et se juge. La mise à nu courageuse de son corps et de sa carrière en devient alors bouleversante.

(8/10)Voir plus

Dernière modification il y a 3 jours


Eric2017

il y a 3 jours

Revoir Demi Moore, voilà ma motivation pour aller voir ce film d'horreur. Si les trois-quarts du film sont très bien, le dernier quart est une horreur totale et j''ai totalement décroché car il n'y a que du sang, que du "éléphant man", que de l'invraisemblable et au final l'ensemble perd totalement de son panache. Ma question est vraiment, pourquoi de tels films finissent en "eau de boudin" ?. C'est très décevant. (F-21.11.24)Voir plus


Nathaliev

il y a 15 jours

OMFG! Je ne m’attendais pas à ça! Je n’ai pas pu regarder un grand nombre de scènes tellement c’était gore…mais j’ai beaucoup aimé! Une histoire originale et très bien ficelée. Une belle critique de cette quête de la « perfection » qui, profitons de cette occasion pour le rappeler, n’existe pas.Voir plus


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