Le jeune Ahmed Belgique, France 2019 – 84min.
Critique du film
Ahmed contre l’apostasie
Déjà deux fois palmés d’or au Festival de Cannes, les frères Dardenne ont décidé de faire de la radicalisation islamiste le sujet de leur onzième long-métrage. Présenté en compétition lors de la 72ème édition du Festival, le radicalisme, qui touche la Belgique de plein fouet, est incarné dans Le jeune Ahmed par un adolescent de 13 ans, perdu entre ses idéaux et sa vie d'adolescent.
Les erreurs de jeunesse. Ahmed est perdu entre les paroles distillées par son imam et les discours de Madame Inès, sa professeure de devoirs surveillés. Le radicalisme en toile de fond, le Coran et les prières comme drogues. Ahmed est perdu, lessivé par un homme qui interprète le Coran et perturbé par sa vie d’adolescent.
Nouveau film sur la radicalisation islamiste, sur les agissements de jeunes en mal d’attention, en mal d’affection, ou simplement obnubilés par les actes héroïques des soldats islamiques. Cette radicalisation, Marie-Castille Mention-Schaar l’a évoquée dans Le Ciel attendra et André Téchiné, très récemment, avec L’Adieu à la nuit. Ici, Jean-Pierre et Luc Dardenne traitent du sujet d’une manière authentique et rigoureuse, à travers l’innocence d’un jeune (Idir Ben Addi) aux idéaux encore malléables. Absorbé par son imam, par la parole « divine », son destin se lie à la violence, fasciné par les aventures djihadistes de son cousin et par la pureté religieuse. Pour Ahmed, le djihad est un acte de bravoure, dont il refuse de se détourner. Pour lui il est impensable de s’écraser comme l’a fait son père, un faible à ses yeux. Un paternel évoqué, mais invisible. Impensable, comme discuter ou serrer la main à Madame Inès (Myriem Akheddiou), cette apostate, cette femme qui a osé s’offrir à un Juif.
Alors quand Ahmed tente de tuer, sa vision de l’Islam se retrouvera mise à rude épreuve. Incarcéré dans un centre, il a le temps de réfléchir, de ressasser ses agissements. Le Jeune Ahmed retrace, sans le moindre flashback, le destin familial, les soucis vécus par sa famille. Une mère (Claire Bodson) alcoolique qui tente de reprendre le dessus et un père absent, qu’on ne verra jamais. L’absence pour justifier l’embrigadement et une radicalisation qui prend des propositions inquiétantes. L'œuvre en devient elle-même radicale. Le mal qu’engendre Ahmed, lui sur le long chemin de l’apprentissage de la vie, est traité de manière frontale, sans artifice. Le Jeune Ahmed est limpide.En bref !
La recherche de la paix intérieure pour Ahmed. Une lutte contre l’impureté, une percée dans l’entre-soi islamique. Enferré dans sa vision qu’il pense juste, Ahmed avance à l’aveugle, déraciné, en perdant de vue les règles du savoir-vivre. Les Dardenne visent juste dans cette rage naïve et surtout dangereuse.
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Commentaires
“L’ombre du doute”
Ahmed, 13 ans, s’est radicalisé au contact d’un Imam. Persuadé que son institutrice est une « apostate », il se met en tête de l’éliminer.
Il court, il court le jeune Ahmed, cherchant à fuir ce monde jugé impie. Les paroles de l’enseignante, les bras de sa mère, les lèvres d’une adolescente ou la langue d’un chien sont autant d’obstacles à sa quête de vertu. Plus rien ne compte pour lui que le Coran et la prière. Mais comment rester pur, du sang sur les mains ?
Avec sa bouille de premier de classe, on lui donnerait le bon Dieu sans confession. Mais derrière ses lunettes, Ahmed cache une détermination violente et angoissante. Seule une chute pourrait le freiner en laissant planer l’ombre du doute. A moins que la demande de pardon ne soit qu’un leurre supplémentaire.
A l’image de Téchiné dans son Adieu à la nuit, les frères belges n’expliquent rien. L’argument du père absent est vite rejeté par le garçon lui-même. Caméra au poing, ils filent le train de ce personnage opaque, montrant une réalité difficile à comprendre et à accepter. Leur jeune héros imprègne alors le film de son air renfrogné. Du cinéma brut, peu aimable, mais saisissant.
6.5/10… Voir plus
Dernière modification il y a 5 ans
L’appel du tigre évadé
Ahmed, 13 ans, croit être un musulman radicalisé que toute contrainte reçue pourrait être préjudiciable. Sa professeur Ines en fait les frais et le jeune homme est placé en foyer d’accueil avec travaux de jour dans une ferme, dont la fille Louise n’est pas insensible. Mais comment contourner le principe religieux?
En attente du film, résonne le eye of the tiger. Si habituellement cette coïncidence s’avérait ordinaire, elle est ici davantage troublante que le film.
Dès l’entame, l’envie de détester Ahmed est marquante ce qui provoque la meilleure option du film: une réflexion sur la différence religieuse et son interprétation. Remarquablement interprété par Idir Ben Addi, l’absence d’empathie envers Ahmed durant une bonne moitié du film se voit être une confrontation entre croisés et soldat religieux. Je ne suis pas connaisseur des pratiques musulmanes, mais le temps de prière et les rites sont remarquablement retranscrits.
Et c’est alors que survient l’ultime séquence après une tentative d’amourette périlleuse et cette ultime séquence qui laisse sans voix, tant elle semble manquer de sincérité (je ne peux spolier mais l’ultime parole de Ahmed me semble complètement invraisemblable et si tel n’était pas le cas, j’en serai le premier impur désolé).
Frustration finale donc mais se laisse néanmoins voir pour sa proposition initiale...… Voir plus
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