Plan 75 France, Japon, Philippines, Qatar 2022 – 112min.
Critique du film
La vieille femme qui voulait vivre
Sélectionné à Cannes en 2022, récompensé depuis par le FIFF, Plan 75 est le premier film de la réalisatrice japonaise Chie Hayakawa. Portrait troublant d’une femme et des trois personnes responsables de son euthanasie programmée.
Michi, la septantaine passée, travaille avec ses amies comme femme de chambre dans un hôtel. Sans retraite ni possibilité d’accès à l’aide sociale, elle se retrouve démunie lorsque leurs employeurs les renvoient. Seule échappatoire à une lente agonie, le Plan 75, instauré par le gouvernement, lui assure une euthanasie sans douleur et des derniers jours confortables.
Délicatesse est le maître mot de cette œuvre froide, à la photo bleutée. Les gestes sont lents, rigoureux, bien que pas toujours maîtrisés. La caméra, elle, reste attentive aux mouvements quotidiens, mais avec une certaine pudeur. L’attentat qui introduit le film est ainsi d’abord représenté en hors-champ, la caméra ne s’avançant que pour capter les conséquences plutôt que l’action. Cette même retenue demeure, à mesure que la protagoniste se résigne à suivre le programme Plan 75.
Aussi, c’est moins l’euthanasie qui est condamnée que son utilisation à des fins d’éradication des personnes jugées moins productives. En effet, l’euthanasie est, dans ce futur dystopique, industrialisée et semble largement acceptée, car source de revenus, solution au vieillissement de la population et détachée des émotions. C’est là que réside la force de Chie Hayakawa : dans sa représentation de la contradiction du système institutionnel qui rompt la solitude et la précarité de ses citoyens seulement le temps de leur agonie planifiée. Un système qui dépossède ses acteurs de leur âme, jusqu’à ce que la moralité de leurs choix les rattrape lorsque confrontés à un proche poussé à mourir.
Le choix de l’actrice Chieko Baishō pour interpréter Michi est brillant, tant la comédienne parvient à donner vie à son personnage et sa joie de chanter en peu de mots. On pourra alors regretter la mise en retrait des seconds rôles, devenus simples décors ou figures symboliques, ainsi que l’enchaînement trop appuyé des scènes, qui ne laisse place à une ouverture, une libération du cadre que dans son final.
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Commentaires
“Assurance sur la mort”
Alors que l’hostilité contre les personnes âgées augmente au sein de la société, le gouvernement japonais propose à tous les plus de 75 ans un programme pour les aider à mourir dans la dignité.
Après avoir commis un bain de sang dans ce qui ressemble à un foyer d’accueil, un jeune homme à bout dénonce un vieillissement de la population trop lourd à porter pour la société et préconise un sacrifice nécessaire des plus vieux afin de préserver fièrement le bien-être de la nation. Dans un flou artistique remarquable, son discours radical s’achève par une balle dans la tête.
Malgré ses 78 ans, la dynamique Michi trime encore en tant que femme de ménage dans un hôtel. Veuve, sans enfant, il ne lui restera pratiquement rien une fois licenciée. Hiromu, garçon aimable et attentionné, est un recruteur, encourageant les anciens à s’inscrire au Plan 75. Un jour, c’est son oncle qui signe le contrat. Quant à Maria, jeune Philippine en quête d’argent pour soigner sa fillette restée au pays, elle accepte de travailler dans l’établissement où se pratique l’euthanasie. Seraient-ils tous trois capables d’actes de résistance ?
Ce film d’anticipation, sans grands effets, s’ancre dans un avenir plus que proche. Il manque parfois de rythme et crée un déséquilibre entre ses personnages, la figure de l’émigrée semblant n’être qu’une pièce rapportée. Néanmoins, son sujet, une fois posé, suscite un malaise tenace faisant notamment écho à tous les débats qui s’affrontent aujourd’hui autour du suicide assisté. La courtoisie japonaise n’empêche aucunement la cruauté de la situation. Pas de retraite dorée au pays du soleil levant où une personne qui n’a plus de famille pour l’entretenir se retrouvera bien démunie. Les aides sociales paraissent inaccessibles, alors qu’une somme aux allures de dédommagement est offerte aux clients du programme. De quoi payer ses obsèques ou quelques sushis d’exception. Le soutien moral des opératrices est limité à 15 minutes par jour. Quant à la clinique, elle n’a rien du luxe promis. Chambres froides, vides de sens, vides d’humanité. Il fut un temps où les aïeuls étaient abandonnés au mont Naramaya pour y mourir seuls. Des générations plus tard, le principe a-t-il vraiment changé ?
(6.5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 1 an
Un film incroyable et terrifiant ! Tout y est vrai, à l'exception qu'au Japon un système d'euthanasie de ce type n'existe pas. Faute de retraites suffisantes, les personnes âgées sont bien souvent obligées de travailler. Ces personnes devenues "inutiles" pèsent lourd dans la société nippone et ce sentiment de devenir un poids pour le gouvernement en devant faire appel aux aides sociales est très présent. De cette idée est né Le plan75 pour la réalisatrice Chie Hayakawa. Un film percutant dont on ne sort pas indemne. (G-07.05.23)… Voir plus
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