Acide Belgique, France 2018 – 99min.

Critique du film

la séance de clôture corrosive de Just Philippot

Critique du film: Kilian Junker

Le dernier film de Just Philippot, «Acide», avait la lourde tâche de clore le NIFFF. Retour sur cette projection caustique.

Remarqué en 2020 pour La Nuée, un drame horrifique déjà teinté d’un sous-texte écologique, Just Philippot nous revient cette année avec Acide. Présenté en «Séance de minuit» au festival de Cannes 2023, ce nouveau long-métrage narre l’histoire de Selma, déchirée entre ses deux parents (Guillaume Canet et Laetitia Dosch) et sa vie dans un nouveau lycée. Lorsque de destructrices pluies acides viennent dévaster leur région, ce noyau familial dysfonctionnel va devoir s’unir à nouveau pour survivre. Une histoire qu’il avait déjà explorée, mais en format court-métrage dans une réalisation éponyme sortie en 2018.

Le concept de base d’Acide s’inscrit dans un nouveau cinéma français mêlant drame familial et catastrophe écologique, tout comme La Nuée que nous évoquions ou encore, pour ne citer qu’eux, En plein feu sorti plus tôt cette année. Un cinéma de genre hybride donc, parfois passionnant, mais tâtant son versant horrifique avec une certaine retenue. Et Acide en pâtit clairement. À trop vouloir favoriser le côté intimiste et dramatique, Philippot en vient à circonscrire les saillies horrifiques à quelques brefs plans sur des chairs rongées par cette fameuse pluie destructrice. Résultat? Une douleur et une peur qui ne deviennent jamais sensorielles pour le spectateur.

S’il faudra faire abstraction des nombreuses incohérences (la pluie qui détruit les ponts et les maisons, mais ne semble ni avoir d’emprise sur les pneus de voiture, ni sur les feuilles des arbres), il sera plus compliqué de passer sur une écriture de personnages largement agaçants, accouchant d’un climax plat et beaucoup trop geignard. Avant ça, Philippot gratifiera heureusement son spectateur de quelques jolies scènes de tension (le segment avant l’arrivée des pluies notamment) et offre un terreau de réflexion fertile et actuel : que se passerait-il si l’eau, sous toutes ses formes, devenait un poison ? Un film catastrophe en demi-teinte donc, qui aurait dû oser s’engouffrer davantage dans le genre pour devenir vraiment convaincant… À se demander si Acide n’aurait pas gagné à rester un court incisif et enragé plutôt qu’un long-métrage trop souvent empâté par ses segments dramatiques.

(NIFFF 2023)

11.07.2023

2.5

Votre note

Commentaires

Vous devez vous identifier pour déposer vos commentaires.

Login & Enregistrement

CineFiliK

il y a 1 an

“Pluie noire”

Sous contrôle judiciaire, Michal porte un bracelet électronique à la cheville après avoir joué de ses poings sur le faciès d’un CRS. Sans voiture ni solution, son ex-femme Élise l’appelle pour qu’il l’emmène chercher leur fille Selma dans son internat. Au loin, des nuages de plus en plus menaçants l’inquiètent.

Point fort du film, la catastrophe annoncée n’est pas la conséquence d’une météorite, de bombes, ou d’extraterrestres. Après une canicule au mois de mars déjà, c’est de l’eau, rien que de l’eau qui tombe du ciel. Mais cette pluie est acide, brûlante, achevant bien les chevaux. Une source de vie est devenue mortelle et c’est effrayant. Comment s’en protéger, elle qui s’immisce partout, ronge les peaux, les toits, contamine les rivières et la robinetterie ? Des populations assoiffées sont condamnées à l’exil vers un ailleurs incertain, images qui rappellent les migrations d’aujourd’hui, victimes de la guerre, de la sécheresse ou de la misère. La tension est palpable et l’angoisse monte vite tant par l’urgence de la situation que par son réalisme proche. Le combat est d’abord celui de syndicalistes en colère contre un capitalisme destructeur. Mais que vaut un plan social face aux alertes climatiques ? La question reste sans réponse.

Malheureusement, le court métrage du même nom devenu long peine à tenir la distance. Les étapes propres à ce genre très américain s’y succèdent entre un noyau familial reconstitué, le sacrifice, une rencontre inattendue, le désespoir et la survie. Tel père, telle fille, Michal et Selma s’accrochent l’un à l’autre dans une obscurité qui gêne parfois la compréhension de l’image. Irréductible Gaulois, Guillaume Canet s’efforce de jouer les papas héroïques à cran face à une ado désobéissante. Deux caractères attendus qui constituent les derniers d’entre nous.

(6.5/10)Voir plus

Dernière modification il y a 1 an


Autres critiques de films

Riverboom

Feu Feu Feu

Naître Svetlana Staline

Sauvages