Green Border Belgique, République Tchèque, France, Allemagne, Pologne, Turquie, Etats-Unis 2023 – 152min.
Critique du film
Zielona granica
Salué par le Prix spécial du Jury à la dernière Mostra de Venise, le dernier film de la cinéaste Agnieszka Holland dénonce l’horrible traitement des réfugié·e·s à la frontière polonaise et biélorusse.
2021, quelque part entre la Pologne et la Biélorussie. Une famille syrienne pensant pouvoir rejoindre des proches en Europe se retrouve coincée dans une forêt, ballottée, comme beaucoup d’autres, par les gardes-frontières. En parallèle, des activist·e·s tentent tant bien que mal de venir en aide à ces réfugié·e·s, alors qu’ils sont eux-mêmes la cible des autorités.
«Immersive» : voilà sans doute le maître-mot pour qualifier la mise en scène de Green Border. Réalisatrice prolifique et engagée, Agnieska Holland a pris la responsabilité d’aborder de manière cinglante la crise frontalière qui sévit entre l’Union européenne et la Biélorussie, plus particulièrement au cœur d’une forêt – une frontière verte – séparant cette dernière de la Pologne. Caméras à l’épaule et longs plans-séquence sont autant de manières pour Holland d’essayer de faire ressentir le calvaire inhumain que subissent des familles entières, pensant trouver une terre d’accueil alors qu’elles ne sont que repoussées d’une nation à l’autre (ce que l’on appelle les «pushbacks»).
Cette âpreté nécessaire avec laquelle la réalisatrice polonaise filme ces parcours sert donc admirablement son programme de mise en scène, en plus de bénéficier d’une maîtrise technique impressionnante. Il en va de même pour la photographie en noir et blanc, admirablement travaillée par Tomasz Naumiuk, qui soulève tout de même l’éternelle question de l’esthétisation de telles images, bien qu’elle trouve plutôt ici une fonction de renforcement de la brutalité recherchée.
Le choix du récit choral implique toutefois quelques interrogations. D’une part, ce procédé permet en effet de solliciter plusieurs points de vue, mais d’autre part, le scénario se met à faire du surplace une fois qu’il s’attarde sur les activist·e·s – au point de mettre les familles de réfugié·e·s au second plan –, tout en dépeignant le seul garde identifiable comme un repenti, arrivant alors au même triste constat que l’ensemble des personnages, sans réellement faire évoluer le film. Il n’en demeure pas moins qu’Agnieszka Holland a livré une œuvre poignante au sujet brûlant, qui n’a pas manqué de faire réagir de façon véhémente le ministre polonais de la Justice : preuve que le long-métrage met en lumière ce que certains préféreraient laisser sous le tapis.
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Commentaires
“Le cri de la forêt”
Une famille syrienne atterrit en Biélorussie avec l’espoir de franchir la frontière polonaise pour y demander l’asile européen. Leur pensum ne fait que commencer.
Accueillis par les roses épineuses de Loukachenko, les réfugiés d’Afrique, d’Asie ou du Moyen-Orient, deviennent une arme de guerre. Craignant une vague invasive, le gouvernement de Varsovie, oubliant ses préceptes catholiques, les rejettent. S’ensuit un ping-pong éreintant et cruel transformant les migrants en balles jetées sous ou sur un filet de barbelés. En cette zone d’exclusion, l’appel de la forêt devient un cri signifiant la peur, la souffrance, la faim, le froid. De quoi mourir mille fois.
Pour réveiller les consciences, Agnieszka Holland choisit de donner plusieurs visages humains à cette crise de 2021 qui, au côté du COVID, fit pour un temps la une des journaux télévisés et papier de l’époque. Un vieillard fatigué, des femmes enceintes, des enfants et un bébé sont là pour susciter l’empathie. Face à eux, les gardes-frontière tyranniques figurent l’autoritarisme aveugle, même si les états d’âme de l’un des leurs auront droit au chapitre. En parallèle, les activistes locaux s’impliquent et tentent en contournant les lois imposées de sauver ceux qu’ils peuvent. Une citoyenne émue les rejoint dans la résistance.
Si le sujet paraît essentiel, la forme choisie trouble. Le souffle glacial du noir et blanc de l’image l’esthétise également. Les parties très documentées sont parfois mises à mal par l’élan de la fiction.
Au final, la réalisatrice interroge furtivement l’accueil réservé aux Ukrainiens en comparaison de celui d’étrangers venus d’ailleurs et de plus loin. Deux poids, deux mesures que l’on peut comprendre comme un reproche et un avertissement. Personne n’est à l’abri de la contrainte du départ, alors que, dans le ciel, les oiseaux migrent aussi.
(6.5/10)… Voir plus
Dernière modification il y a 7 mois
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