Kritik12. Mai 2021 Emma Raposo
«Garçon chiffon» - Nicolas Maury en cabossé de la vie devant sa caméra
L’acteur révélé au grand public grâce à la série «Dix pour cent» coiffe pour la première fois la casquette de réalisateur. Derrière, mais également devant la caméra, Nicolas Maury nous conte l’histoire tragicomique de Jérémie, un homme-enfant que sa jalousie perdra.
Jérémie (Nicolas Maury) est un acteur à qui la chance n’a pas vraiment souri, ou tout du moins pas encore. À côté de ça, il est un jaloux maladif, et cela s’exprime par les pires travers que ce défaut peut révéler chez une personne. Les crises incessantes et les filatures dignes du MI6 ont finalement raison de sa relation amoureuse. D’épuisement, Albert (Arnaud Valois), son conjoint, l’envoie balader. L’envie n’y est plus. Un échec sentimental doublé d’une vie professionnelle engourdie, Jérémie plie bagage direction sa maison d’enfance dans le Limousin, où Bernadette (Nathalie Baye), sa mère, y tient une maison d’hôtes. Là-bas, l’heure est à l’introspection et se pointe peut-être l’occasion de se délester des poids du passé.
Il agacera autant qu’il passionnera, mais Nicolas Maury est de ceux qui ne laisseront pas de marbre. Il avait déjà donné le ton dans «Dix pour cent», série comique qui l’a révélé au plus grand nombre et qui brossait le portrait d’une poignée d’agents de stars. Ce dernier poursuit dans un jeu d’acteur en marge, la voix aiguë et la personnalité à contre-courant en interprétant Jérémie, homme-enfant aussi attachant que pathétique aux looks improbables, filmé sans filtre ni flatterie. Crapahutant dans une existence brouillée, Jérémie souffre de ce cette jalousie qui le ronge, d’autres choses aussi, mais apprend et grandit finalement. De coups de sang en coups de poing, le personnage atypique imaginé par Nicolas Maury traverse les étapes d’un processus de guérison, de deuil et de résilience, à l’image de cette expérience quasi cathartique lorsqu’une bande de bonnes sœurs le sauve d’une «mort» certaine après qu’il s’est jeté dans une rivière.
Nicolas Maury est de ceux qui ne laisseront pas de marbre...
Librement inspiré de la propre histoire de Nicolas Maury, «Garçon chiffon» est un jeu de piste et de genres dans lequel l’acteur-réalisateur s’amuse à semer des petits cailloux de son vécu. Ce dernier y a mis beaucoup de lui et ça se sent. Pot pourri truffé de clins d’œil à la vie de Maury, de ses idoles telles que Vanessa Paradis, à ses références incluant Frank Wedekind et sa pièce «L'Éveil du printemps», le film semble parfois partir dans tous les sens tant il y a de styles et de sujets qui se côtoient. Comédie, satire, drame ou encore comédie musicale, le film navigue d’un genre à l’autre pour mieux permettre à son réalisateur d’exprimer sa pensée et ses émotions profondes.
Car dans «Garçon chiffon», Nicolas Maury n’essaie pas de plaire - au risque de vraiment déplaire quand il pousse la chansonnette -,et n’y fait aucune concession, et c’est peut-être bien ce qui fait à la fois la force du film et sa faiblesse. On ne boude pas notre plaisir lorsqu’on voit passer furtivement une Isabelle Huppert à l’écran, ou lorsque le film offre quelques rebonds jouissifs quand il s’amuse à caricaturer le monde du cinéma personnifié en une Laure Calamy, metteuse en scène hystérique ou un Jean-Marc Barr, réalisateur condescendant. On salue également la démarche du réalisateur de se mettre à nu, au propre comme au figuré, dans ce film qui restera sans doute l’un de ses plus personnels. Si l’enthousiasme de ce premier film est immanquable, l’excès de bonnes choses et la diversité des styles, finiront par altérer un peu le métrage, qui peine, par moments, à trouver le bon ton.
3,5/5 ★
«Garçon chiffon» est à découvrir dès aujourd'hui au cinéma.
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