Interview11. Juni 2024 Cineman Redaktion
Interview d'Alex Lutz: «La figure du magnifique looser me touche beaucoup»
Le comédien qui incarne Pierre Berger dans la toute nouvelle série «Becoming Karl» sur Disney+ sera aussi à l’affiche de «Paradis Paris», en salle dès ce mercredi 12 juin. Rencontre.
(Propos recueillis et mis en forme par Marine Guillain.)
Alex Lutz, parlons d’abord de votre travail derrière la caméra: après «Guy» et «La Vengeance au triple galop», vous avez mis en scène «Une Nuit», avec Karin Viard: quelle est la genèse de ce projet?
Ce film est une réflexion sur le couple. L'idée du scénario est venue d'une dispute à laquelle j'ai assisté un jour dans le métro. Il était un peu bondé, une femme est rentrée trop vite et a bousculé un homme, il y a eu une petite dispute comme il y en a tellement en France… Ce jour-là, on était plusieurs à sourire, car ils étaient rigolos dans leur engueulade. Leurs arguments étaient intelligents, on est plusieurs à avoir trouvé du charme à cette situation. J’ai noté cette anecdote dans un carnet, j'ai imaginé une scène d'amour dans un photomaton qui suivrait la dispute et je me suis dis «Tiens, et s'ils ne se quittaient plus de toute la nuit?». Le scénario était né.
Pourquoi avez-vous choisi Karin Viard comme partenaire?
Je lui ai proposé le rôle, car je sais qu'elle aime se mettre en danger. Je voulais que le tournage se fasse en temps réel, en une seule nuit, ce qui n'a pas été possible. Finalement il a duré 14 jours, ce qui reste assez peu. J'ai pu respecter mon envie que tout se passe sur un geste, rapidement, et j'ai adoré cette expérience.
Votre nouveau long métrage, «Connemara» (pas encore de date de sortie, ndlr), est l’adaptation du livre à succès de Nicolas Mathieu: qu’est-ce qui vous a donné envie de le porter à l’écran?
Déjà, l'histoire se déroule dans les Vosges, autour de deux quadragénaires, Hélène et Christophe, originaires de la même petite ville. Sachant que je suis Alsacien et que ma femme est vosgienne, c’est une région qui m'est familière. Mais surtout, je trouve que Nicolas Mathieu décrit des choses avec une acuité dingue, que je ressens dans le corps.
Dans le livre, un personnage part et l'autre reste. Quel choix vous parle le plus?
Je suis parti moi, comme Hélène, qui a réalisé le rêve de son adolescence : se tirer, changer de milieu, réussir, tandis que Christophe n’a jamais quitté le bled où ils ont grandi. Mais on ne part jamais complètement, et c'est ce qui déchire l'âme dans ce livre. Il y a ce mythe, l’idée que partir serait héroïque et signifierait se donner toutes les possibilités. Mais le héros n'est pas forcément celui qu'on croit. Christophe est un grand héros, il s'occupe de son fils, de son papa malade, il a un divorce sur les bras... Il fait beaucoup, c'est un super personnage.
Pour vous, qu’est-ce qu’un vrai héros?
On peut tous et toutes l'être. Chacun et chacune fait ce qu'il peut, et parfois une toute petite chose est déjà énorme. La figure du magnifique looser, comme dans «Guy», est un thème qui me touche beaucoup. J'aime les personnages ambivalents.
Comme celui que vous jouez dans «Le Tableau volé», de Pascal Bonitzer (actuellement en salle, ndlr)?
Exactement. André Masson est commissaire-priseur dans la célèbre maison de ventes Scottie’s, c'est un personnage en éternel devenir: un mélange de contrôle total et de cynisme. Il a perdu son enthousiasme, sa curiosité pour son métier. C’était un rôle intéressant, moi j’aime l’ambivalence, les gens qui provoquent de l’inconfort… Si je devais jouer un personnage débordant de sympathie, ce serait beaucoup plus difficile pour moi et en plus, l'histoire serait finie en deux minutes.
Cela tombe bien, car on ne peut pas dire que le Pierre Berger que vous incarnez dans la nouvelle série «Becoming Karl» soit débordant de sympathie! Comment vous êtes-vous retrouvé sur cette production?
De manière très classique. Mon agent m’a parlé de la série, j'ai rencontré Jérôme Salle, on a fait une séance de travail et ça s'est fait comme ça. Pierre Berger est un pilier de la maison Saint Laurent, une maison chahutée, mais merveilleuse. La fiction tourne beaucoup autour des histoires amoureuses d'Yves Saint Laurent, de Pierre Berger et Karl Lagerfeld, car elles sont intimement liées à leur travail, à leur industrie et à leur créativité.
L’univers de la mode vous intéresse-t-il particulièrement?
Oui, la mode me touche beaucoup, je la trouve fascinante. C'est une fierté que l'on peut avoir en France. Tous ces corps de métier, les ateliers, les petites mains, les savoir-faire séculaires... C'est de l'art. J'ai collaboré plusieurs fois avec la maison Dior. Je suis aussi fou de montres et en Suisse, vous avez des maisons de manufacture extraordinaires. J’ai eu la chance de visiter celle d’Omega, c'était génial de voir ça. Cette minutie et ces gestes qui se transmettent, ça m'émeut.
Bande-annonce de «Becoming Karl Lagerfeld» sur Disney+
Minibio:
- 1978 Naissance d’Alex Lutz, le 24 août à Strasbourg
- 1994 il commence le théâtre
- 1996 gé d’à peine 18 ans, Alex Lutz crée sa propre compagnie «Le Coût de la pomme», au sein de laquelle il écrit et monte plusieurs spectacles
- 2009 Il joue le chef nazi dans «OSS 117 : Rio ne répond plus», de Michel Hazanavicius
- 2012 Il est propulsé sur le devant de la scène grâce à l’émission humoristique Catherine et Liliane, sur Canal+.
- 2018 Il remporte le César du meilleur acteur pour son rôle dans «Guy», faux documentaire musical qu’il réalise lui-même
- 2020 Il rejoint le casting de la série «Baron noir» et publie son premier roman, «Le radiateur d'appoint»
- 2024 Il est à l’affiche des films «Le tableau volé» et «Paradis Paris», ainsi que de la série «Becoming Karl».
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