Kritik27. Januar 2020 Lino Cassinat
«Jojo Rabbit» - Coup du lapin façon Taika Waititi
Si Taika Waititi est en train de devenir la coqueluche du cinéma de divertissement, cela fait en réalité 10 ans que le réalisateur est au charbon. Toujours remarqué pour ses dialogues affutés et son tempo comique impeccable, c’est finalement le très apprécié «Thor : Ragnarok» qui l’a fait éclater aux yeux du grand public. Alors que Disney lui a confié un Thor 4 les yeux fermés, il revient avec «Jojo Rabbit», un projet plus personnel.
En 1945, alors que le Troisième Reich est sur le point de définitivement perdre la guerre, Johannes «Jojo» est un petit garçon embrigadé dans les jeunesses hitlériennes et un fervent défenseur de l’idéal nazi, au point qu’Adolf Hitler lui-même lui sert d’ami imaginaire pour compenser l’absence de son père. Mais le jour où il découvre que sa mère, secrètement anti-nazie, cache une adolescente juive, sa vie et ses convictions basculent.
Il fallait un sacré cran pour oser faire une comédie grand public emmaillotée dans une photographie sucrée (avec de forts accents Wes Andersoniens) avec pour figure centrale un jeune esprit perverti par la haine et un Adolf Hitler rigolo. Il faut appeler un chat un chat: le talent comique de Taika Waititi accomplit ici un tour de force, faire rire sans complexe et avec légèreté sur un sujet plus que morbide. «Jojo Rabbit» est un film incontestablement drôle, l’humour est toujours savamment dosé et parfaitement clair sur ses cibles et dans ses intentions. Mais, si l’exploit est louable, si «Jojo Rabbit» est un film indéniablement réussi, drôle et prenant, il est tout aussi indéniable que Taika Waititi perd une guerre qu’il ne pouvait pas gagner.
«Faire rire sans complexe et avec légèreté sur un sujet plus que morbide...»
Cette guerre, c’est celle du registre humoristique de son film: vendu comme une «satire», «Jojo Rabbit» ne s’élève qu’au niveau de la parodie - extrêmement bien exécutée sans aucun doute - beaucoup plus inoffensive par nature. Le problème, c’est que si le film est inoffensif pour le public, c’est bien parce qu’il ne fait jamais appel à son intellect, et ne contient pas un gramme de sentiment d’horreur ou de vertige, et ne pas avoir cette composante alors que l’on nage en permanence dans l’idéologie de la Shoah est un manque particulièrement troublant.
En vérité, aussi plaisant que soit «Jojo Rabbit» à court terme grâce à son style, il est à la réflexion beaucoup trop facile dans le fond pour son propre sujet. Le principal effet pervers, c’est que malgré tout le savoir faire de Taika Waititi, le cauchemar historique n’est pas adressé - pire encore, il peut profiter de la diversion créée par le flot d’émotions positives charriées par le film pour s’épanouir dans l’oubli, loin de la lumière et des pensées d’un spectateur infantilisé.
En bref!
Verre à moitié plein: une grande pantalonnade un peu simplette mais réussie avec brio sur un sujet particulièrement dangereux. Verre à moitié vide: malheureusement, il fallait encore beaucoup plus de finesse et d’ambition pour lui rendre justice.
3,5/5 ★
Plus d'informations sur «Jojo Rabbit». Au cinéma le 29 janvier prochain.
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