Kritik12. Februar 2024
Critique de «La Bête», la maladie d’amour de Léa Seydoux
Le réalisateur français Bertrand Bonello réunit Léa Seydoux et George MacKay pour un film hybride et troublant.
(Une critique de Damien Brodard, depuis la Mostra de Venise)
En 2044, alors que les émotions humaines menacent le bon fonctionnement de la société, Gabrielle (Léa Seydoux) doit purifier son ADN en revivant ses vies antérieures. Elle fait à chaque fois la rencontre de Louis (George MacKay) avec qui elle semble inexplicablement liée. Toutefois, Gabrielle est inquiète, persuadée que quelque chose de terrible va se produire. Ce sentiment la poursuit, comme une bête malveillante qu’elle ne peut discerner.
Le Français Bertrand Bonello a secoué le Lido avec une expérience des plus déroutantes ! Librement adapté du roman de l’Anglais Henry James intitulé La Bête dans la Jungle (1903), ce nouveau long-métrage à la croisée des genres cinématographiques tente de questionner le sentiment amoureux à travers les âges, soutenu par une forme clivante. Il est clair que Bonello s’est inspiré du travail de David Lynch pour élaborer une sorte de cauchemar éveillé lancinant, où tout semble à la fois absurde et irréel, mais toujours avec un sentiment de malaise inexplicable et tenace. Pour ce faire, le réalisateur propose une mise en scène plutôt radicale, dénuée de tout effet marqué en ayant principalement recours à des plans simples et dépouillés. La même sobriété se retrouve dans la direction artistique et la photographie, malgré la visite de trois époques. La proposition est austère et pourrait décourager une bonne partie du public, pourtant elle participe immanquablement à façonner cette atmosphère si particulière.
Quoi qu'il en soit, cette forme profite aux interprètes principaux qui livrent une prestation remarquable. Léa Seydoux se montre tout à fait épatante et rappelle qu’elle possède une palette de jeu bien plus garnie que ce qu’on lui demande de faire dans les grosses productions américaines. Face à elle, le Britannique George MacKay jongle adéquatement entre les registres, endossant le rôle initialement promis au regretté Gaspard Ulliel. On ne peut malheureusement pas en dire autant du reste de la distribution, bien en deçà des deux têtes d’affiche.
En voulant donner un aspect cryptique à son œuvre, Bertrand Bonello se confronte toutefois à quelques difficultés pour son récit. S’il s’agit en soi d’un film volontairement complexe qui raconte quelque chose de simple, le fait de vouloir à tout prix perdre le public dans les méandres de son histoire dessert l’implication émotionnelle. On serait parfois même tenté de dire que l’imbroglio narratif permet de justifier certaines lacunes de scénario, notamment les explications des éléments de science-fiction. Toutefois, la thématique de l’amour entre 1914, 2024 et 2044 fonctionne, ouvrant quelques belles pistes de réflexion sur le contrôle des sentiments ou la question de l’artificialité à l’heure des réseaux sociaux. Finalement, il est difficile de parler d’un objet cinématographique aussi singulier dont les effets ne sont pas garantis d’opérer. Bien que son visuel minimaliste, sa froideur volontaire et son scénario nébuleux soient autant d’arguments pour rester sur le carreau, l’expérience peut s’avérer absolument stimulante si l’on accepte de se laisser porter par cette œuvre sortant de l’ordinaire.
3,5/5 ★
Au cinéma le 14 février.
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Bande-annonce de «La Bête»
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