Kritik19. Februar 2021 Sven Papaux
Netflix: «Tribes of Europa» - L’Europe en 2074 aux allures orwelliennes
Philip Koch et les équipes de «Dark» déconstruisent le vieux continent dans un futur lointain, pour s’essayer à une production audacieuse aux penchants croisés «Mad Max», «The 100» et convoquant les écrits de George Orwell. Verdict!
De micro-États peuplent une Europe fracturée, décimée par une année 2029 dévastatrice. La cause: le 31 décembre 2029, ce fameux «Décembre Noir» qui polarise les attentions. Nous suivrons 3 frères et soeurs: Liv (Henriette Confurius), Elja (David Ali Rashed) et Kiano (Emilio Sakraya). Issus de la tribu des Origins, ils se retrouvent séparés après une attaque des Crows, une tribu sanguinaire et ultra violente. Une guerre des tribus pour diriger le continent et récupérer un étrange cube détenu par les Atlantins.
«See» de Steven Knight et visible sur Apple TV+ évoquait déjà, dans un futur plus ou moins proche, une civilisation de retour au quasi Moyen- Âge. Un retour en arrière, où les êtres humains seraient revenus à l’état sauvage. «Tribes of Europa» en fait de même, nous exposant des bribes d’une mystérieuse catastrophe décrite comme une cyberguerre. Des manchettes de journaux évoquent un désaccord entre la Corée du Nord et les USA ou encore la dissolution de l’UE. Tout est en ruine, tout n’est que désolation. Il faudrait des années pour que l’Europe revienne ce qu’elle a été. On supposerait même que Koch s’est inspiré du passé pour recycler les erreurs et les séquelles des guerres d’antan. Orwell parlait des écoles de penseurs qui interprétaient l’histoire comme un processus cyclique, prétendant que l’inégalité était une loi inaltérable de la vie humaine. On croirait voir cette pensée couver l’histoire.
Voyage cyberpunk aux relents «mad maxien»...
Voyant ce voyage cyberpunk aux relents «mad maxien» prendre des allures de retour à l’état sauvage, notre premier intérêt se porte avant tout sur la question de savoir pourquoi tout s’est disloqué. Le krach boursier de 1929 fait place au krach mondial de 2029. Sacrée coïncidence. Mais pourquoi? La réponse à cette question nous vient d’un vaisseau presque venu d’ailleurs, s’écrasant tout proche du campement des Origins. À l’intérieur un pilote Atlantin porteur d’un cube. Elja en devient l’héritier par défaut et ce même pilote proche de rendre l’âme lui explique que l’avenir du monde est entre ses mains. Voilà qu’Elja, le cadet de la fratrie, devient le centre des attentions, une cible mouvante. Il fera équipe avec Moses (Olivier Masucci, l’interprète d’Ulrich Nielsen dans «Dark»), rencontré par hasard sur sa route, alors que son frère et sa sœur se dépatouillent dans différentes tribus pour survivre.
Le récit se dissèque donc en 3 parties et Koch constitue une mosaïque de situations pour balayer une civilisation où les cadavres s’empilent, où l’autorité se dispute dans le sang et les balles. «Tribes of Europa» recèle d’idées intéressantes comme la restauration d’un régime: comment faire pour rétablir l’ordre. Encore une fois, George Orwell laisse planer son ombre, lui qui se disait déçu par tous les pouvoirs et mouvements politiques. Car Koch, en quasi-porte-parole d’Orwell, y voit une manière d’intégrer le questionnement sur lequel des régimes est le plus effectif pour reprendre la main. Un fondement même du pouvoir, une manière de radiographier la santé de notre gouvernement actuel. Par exemple, la tribu des Crimson ne croit qu’à un retour à la paix par le biais d’un état militaire, alors que 2074 souffle le vent d’une pseudo monarchie dont le pouvoir pourrait être attribué à l’intraitable haut-capitaine, le roi de Brahtok, la ville la plus peuplée.
Une série malheureusement inégale dans son traitement...
Ces idées d’élaboration d’un nouveau régime maintiennent le cap d’une série malheureusement inégale dans son traitement. Intéressant, mais léger, peut-être trop audacieux. Ainsi, la course après cette réponse au «décembre noir» cristallise les débats et attise la rage entre les tribus. Et toujours est-il, que la configuration prête à quelques interrogations: un peu court pour traiter de telles idées, des épisodes parfois brouillons et un emploi moindre du format sériel - pourquoi ne pas centrer 3 épisodes sur les principaux protagonistes pour fluidifier l’évolution du script? L’exemple de Mike Flanagan, devenu maître en la matière, démontre impeccablement le développement d’un personnage en utilisant ce dispositif.
Au final, c’est un curieux sentiment qui nous traverse: celui de voir 6 épisodes mettant en place les pièces pour une saison 2 qui devra répondre à bien trop de questions restées en suspens. Si «Dark» avait savamment orchestré son entrée en matière jusqu’à son dénouement, «Tribes of Europa» n’observe pas le même vertige, ni la même excellence narrative; elle reste encore trop «jeune» dans son évolution, trop statique et laisse le spectateur à distance avant que l’éventail ne s’ouvre plus concrètement dans une saison 2 qui présente des bases hypothétiquement explosives. Enfin, si saison 2 il y a…
3/5 ★
Disponible dès maintenant sur Netflix
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