Kritik27. März 2020

Netflix: «Unorthodox» - Escape from New-York

Netflix: «Unorthodox» - Escape from New-York
© Anika Molnar/Netflix

Une plongée contemporaine au cœur du judaïsme hassidique à Brooklyn, avant une échappée à Berlin. «Unorthodox» déroule le récit autobiographique de l'écrivaine Deborah Feldman, mariée à 17 ans, mère à 19 ans, qui un jour s’est enfuie vers la capitale allemande pour échapper à sa communauté. À la fois poignante et salvatrice, la mini-série «Unorthodox» est à découvrir depuis le 26 mars sur Netflix.

Élevée par sa grand-mère, Esther Shapiro (Shira Haas) devra se taire et appliquer, cantonnée au prédéterminisme de sa communauté, à huis-clos depuis sa plus tendre enfance au sein d’une communauté juive que d'aucuns qualifient d’«ultra-orthodoxe». Williamsburg à Brooklyn fut son enclos et il faut repeupler la population juive décimée pendant l'holocauste selon les dires de sa communauté. Alors à 19 ans les matriarches de son entourage lui arrangent un époux, Yakov (Amit Rahav), et Esther est programmée comme une machine à enfants (entre 10 et 20). «Dans la chambre à coucher, l’homme doit se sentir roi», «vous devez être propre» entendra-t-on. Les règles sont strictes et la tâche limpide: la famille avant tout. Mais se pensant incapable d'accomplir sa fonction de femme, de donner naissance et après quelques mois éprouvants dans le domicile conjugal, la jeune femme s’évade vers l’Europe, à Berlin, presque clandestinement pour tenter une autre vie.

Sur le tournage de «Unorthodox».
Sur le tournage de «Unorthodox». © Anika Molnar/Netflix

Adaptée du roman autobiographique «Unorthodox: The Scandalous Rejection of My Hasidic Roots» de l’écrivaine américano-allemande Deborah Feldman publié en 2012, les 4 épisodes (d’environ 50 minutes) de la série posent des questions fondamentales sur la gérontocratie religieuse, les croyances, l'existence de Dieu, l’appartenance, la famille, l’ambivalence de la modernité, les rêves et le rôle de la femme. Des thématiques complexes, intemporelles, dévoilées ici dans les entraves du judaïsme hassidique à New-York, une communauté principalement fondée par des survivants hongrois de l'holocauste. Les scènes à Brooklyn sont d’ailleurs majoritairement parlées en yiddish. À la fois passionnante pour ce qu'elle montre de cette communauté retranchée, de sa vision du monde (et de l'Allemagne), de sa vision archaïque de la sexualité, des femmes et de leur corps (perçus comme sâles et diaboliques), de ses pratiques singulières, «Unorthodox» est sévère, presque chirurgicale dans son approche, mais la réalisatrice allemande Maria Schrader (et donc Deborah Feldman) ne manquera pas d’empathie, comme du pardon entre les lignes.

«Des thématiques complexes, intemporelles, dévoilées ici dans les entraves du judaïsme hassidique à New-York...»– Theo Metais

De l’empathie certes, pourtant «Unorthodox» nous raconte la douloureuse émancipation de son personnage principal (interprété par une Shira Haas toute en nuances) en quête d’une autre existence, et, peut-être, du radeau familial; elle qui quitte sa grand-mère pour sa mère, mariée jadis à un alcoolique notoire, qui elle aussi s’est évadée à Berlin pour vivre une vie moins pieuse, moins binaire. L’histoire familiale autorise la double nationalité, Berlin n’a rien d’un hasard. Une escapade intolérable pour son époux et sa famille qui bientôt remuent ciel et Terre pour la ramener au foyer. Yakov, l’époux, et son cousin Moische (Jeff Wilbusch) traversent les frontières pour recoller les pièces de la matrice familiale effondrée et ainsi accomplir la mission fertile. Alors qu’elle est en passe de décrocher une audition pour une prestigieuse école de musique, Berlin s’offre comme une catharsis, la preuve, une très belle scène du premier épisode, dans les eaux du lac de Wannsee, quand Esther retire sa perruque face à la villa Marlier, villa de la conférence de Wannsee, où en 1942 fut décidée l'extermination des Juifs d'Europe.

L'actrice Shira Haas au piano dans «Unorthodox».
L'actrice Shira Haas au piano dans «Unorthodox». © Anika Molnar/Netflix

Sorte d’eldorado européen, l’été berlinois et les fantômes de la capitale servent de décor à l’émancipation d’Esther qui vivote péniblement sans domicile. Une rencontre dans un café d’abord, puis une joyeuse communauté de musiciens cosmopolites sans compter une étudiante israélienne véhémente et révélatrice des tensions, sinon de la délicate multiplicité des histoires au sein de la communauté juive. Le parcours de la jeune femme se mêle à d’autres destinées. Une envolée à Berlin qui n’épargnera pas non plus son époux qui, pourchassant sa femme aux côtés de son cousin (ancien traître repenti de sa communauté), découvre une autre lecture du Talmud, plus libertaire. Conte initiatique, philosophique, métaphorique, et moderne, une course poursuite teintée de thriller et de romance; l’émancipation autobiographique de l'écrivaine Deborah Feldman est édifiante en plus de mêler les genres. La réalisatrice allemande Maria Schrader dévoile une mini-série à la narration douce et touchante admirablement portée par son actrice Shira Haas.

En bref!

Une thématique ô combien contemporaine et nécessaire pour une série passionnante quand elle parle de la communauté hassidique, salvatrice lorsqu’elle se penche sur les tourments d’Esther, touchante lors de l’envol. Une belle surprise.

3,5/5 ★

«Unorthodox» est à découvrir depuis le 26 mars sur Netflix.

Ceci peut aussi vous intéresser:

Ist dieser Artikel lesenswert?


Kommentare 0

Sie müssen sich zuerst einloggen um Kommentare zu verfassen.

Login & Registrierung