«Sais-tu pourquoi je saute?» - Un autre regard sur le monde

À travers les yeux de cinq jeunes gens autistes, le réalisateur Jerry Rothwell s’empare du roman autobiographique de l’auteur japonais Naoki Higashida dans un documentaire poétique. Présenté au Festival du film de Sundance de 2020, le réalisateur y dévoile un monde trop souvent négligé : celui de la neurodiversité.

Amrit, joss, Ben, Emma et Jestina viennent des quatre coins du monde ; tous les cinq possèdent des troubles du neurodéveloppement. En partant du roman autobiographique «Sais-tu pourquoi je saute ?», ce sont leurs histoires qui sont ici racontées : celles de personnes autistes non verbales ou en difficultés de communication. Ainsi, laissant de côté les discours scientifiques, le documentaire explique et illustre la vision du monde à travers leurs regards.

Si les protagonistes éprouvent des difficultés à communiquer, des techniques permettent à leur voix de se faire entendre, à leurs sentiments d’être exprimés. En épelant chaque mot d’une phrase désirée à l’aide d’un petit carton présentant l’alphabet, ils dévoilent leurs pensées profondes et partagent avec leur entourage leurs volontés. Dans des scènes douces et intimistes, accompagnées de sous-titres, Ben et Emma, deux Américains, se déclarent ainsi leur amitié respective. Le silence qui accompagne n’en n’est que plus poignant. De leurs côtés, les familles s’expriment avec émotion sur leurs situations, sur les difficultés et les peurs rencontrées. Et la caméra de se focaliser sur le visage de ces jeunes gens, et d’observer leurs joies, leurs peines, leurs anxiétés.

Une voix décrit avec précision les sensations, visions et émotions d’individus autistes...– Maxime Maynard

Avec ses images soigneusement choisies, la photographie de Ruben Woodin Dechamps ouvre les portes d’un monde pour beaucoup inconnu. Gros plans, floues : les jeux et mouvements de la caméra illustrent, autant que possible, l’univers sensoriel lié à l’autisme. Les sons, les vibrations, sont amplifiés. Gouttes d’eau, câbles électriques : ces petits détails auditifs prennent une ampleur toute particulière pour des êtres neurodivergentes. Par ces efforts, le public peut mieux comprendre leur sensibilité et les difficultés de leurs existences. Nous voyons à travers leurs yeux, entendons à travers leurs oreilles. La magnifique bande originale de Nainita Desai accompagne ces découvertes de morceaux mélodieux.

Inde, États-Unis, Royaume-Uni, Sierra Léone : quatre pays pour cinq portraits, reliés entre eux par des extraits de l’ouvrage éponyme de Naoki Higashida. Alors que la caméra suit les flâneries d’un jeune garçon (Jim Fujiwara), une voix décrit avec précision les sensations, visions et émotions d’individus autistes. Ces explications complètent le long métrage, aident à mieux comprendre les actions présentées à l’écran et creusent plus profondément dans la vie de ces jeunes gens qui, bien que différents d’une majorité, n’en restent pas moins des êtres humains.

Avec ses images soigneusement choisies, la photographie de Ruben Woodin Dechamps ouvre les portes d’un monde pour beaucoup inconnu.– Maxime Maynard

Si l’intervention du traducteur anglophone du roman peut laisser dubitatif et si l’omniprésence du cercle familial peut noyer la voix de leurs progénitures, Sais-tu pourquoi je saute ? n’en reste pas moins un documentaire unique. Cette immersion, toute particulière, dans le monde de personnes autistes pourra ouvrir les yeux d’un public qui, souvent, les aura oubliés.

4/5 ★

Le 6 avril au cinéma.

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